Israël peut-il se passer des États-Unis ?

lundi 18 avril 2022

Par Ramzy Baroud

Le 29 mars, les délégations russe et ukrainienne, réunies en Turquie, se sont mises d’accord sur une liste de pays qui pourraient être les garants de la sécurité de Kiev si un accord était conclu. Israël faisait partie de la liste. Les autres pays étaient les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine, la Russie, la France, la Turquie, l’Allemagne, le Canada, l’Italie et la Pologne.

JPEG - 88.9 ko 21 mai 2022, Beit Hanoun, bande de Gaza - Une fillette marche dans les décombres d’un immeuble d’habitation détruit dans un bombardement israélien - Photo : Mohammed Zaanoun / ActiveStills

Certes, Tel Aviv entretient des liens étroits avec Kiev, et bénéficie par ailleurs de la confiance de la Russie. Mais cela ne suffit pas à expliquer comment Israël a réussi à acquérir autant d’importance dans le conflit international sans doute le plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale et les pourparlers russo-ukrainiens.

Immédiatement après le début de la guerre, les responsables israéliens ont commencé à faire la navette entre de nombreux pays impliqués, directement ou pas, dans le conflit. Le président israélien Isaac Herzog s’est rendu à Istanbul pour rencontrer son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan. Cette rencontre pourrait constituer « un tournant dans les relations entre la Turquie et Israël », a déclaré Erdogan.

Bien qu’ « Israël procède avec prudence avec la Turquie », écrit Lavan Karkov dans le Jerusalem Post, Herzog espère que « sa rencontre avec (…) Erdogan est le début d’un processus positif vers une amélioration des relations. » Cette « amélioration » ne concerne pas les Palestiniens qui vivent sous occupation et sous siège israéliens, elle concerne un gazoduc qui relierait le champ offshore israélien Leviathan, en Méditerranée orientale, au sud de l’Europe via la Turquie.

Ce projet renforcera le statut géopolitique d’Israël au Moyen-Orient et en Europe. Le moyen de pression politique que représenterait le fait d’être le principal fournisseur de gaz de l’Europe permettrait à Israël d’exercer une influence encore plus forte sur le continent et réduirait les critiques d’Ankara à son égard.

Ce n’est là qu’une des nombreuses démarches israéliennes. Le festival diplomatique de Tel-Aviv a inclus une réunion de haut niveau entre le Premier ministre Naftali Bennett et le président russe Vladimir Poutine à Moscou, ainsi qu’une succession de visites de hauts responsables européens, américains, arabes et autres en Israël. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken est arrivé à Tel-Aviv le 26 mars.

On s’attendait à ce qu’il fasse pression sur Israël pour qu’il se joigne aux sanctions occidentales décidées par les États-Unis à l’encontre de la Russie, mais il n’a guère insisté là-dessus. La réprimande la plus significative à cet égard est venue de la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland qui, le 11 mars, a appelé Israël à ne pas devenir « le dernier refuge de l’argent sale qui alimente les guerres de Poutine ».

Depuis des années, Israël espère se libérer de sa dépendance disproportionnée à l’égard de Washington. Cette dépendance a pris de nombreuses formes : aide financière et militaire, soutien politique, couverture diplomatique, etc. Selon Chuck Freilich, qui écrit dans Newsweek : « À la fin du programme décennal d’aide militaire (…) convenu [entre Washington et Tel Aviv] pour 2019-28, le montant total [de l’aide américaine à Israël] s’élèvera à près de 170 milliards de dollars. »

De nombreux Palestiniens et d’autres personnes pensent qu’Israël s’effondrerait tout simplement si les États-Unis cessaient de le soutenir. Cependant, cela pourrait ne pas être le cas, du moins en théorie. Écrivant en mars 2021 dans le New York Times, Max Fisher a estimé que l’aide américaine à Israël en 1981 « équivalait à près de 10 % de l’économie d’Israël », alors qu’en 2020, l’aide américaine de près de 4 milliards de dollars était « plus proche d’1 % ».

Pourtant, ce 1 % est vital pour Israël, car une grande partie de ses ressources financières va à l’armée israélienne qui les convertit dans des armes qu’elle utilise contre les Palestiniens et les pays arabes voisins. La technologie militaire israélienne est bien plus développée aujourd’hui qu’il y a 40 ans. Les chiffres de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) placent Israël au huitième rang des exportateurs mondiaux d’armement pour la période 2016 – 2020.

Les exportations d’armes israéliennes sont estimées à 8,3 milliards de dollars pour la seule année 2020. Ces chiffres continuent de croître et on retrouve du matériel militaire israélien dans de plus en plus d’équipements de sécurité dans le monde, y compris aux États-Unis et dans l’UE, ainsi que dans le Sud global.

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