LA CHUTE DE BACHAR AL-ASSAD : ANALYSE

lundi 16 décembre 2024

SYRIE : ISRAEL PROFITE DE LA CHUTE D’ASSAD POUR OCCUPER UN PEU PLUS LE GOLAN

Arguant d’un motif sécuritaire, Israël pilonne depuis plusieurs jours les installations militaires syriennes et investit en toute illégalité la zone tampon du Golan.

Rachida El Azzouzi, Mediapart, 13 décembre 2024 à 17h05

Faute« Faute de sanctions, Israël considère qu’il a carte blanche pour agir et remodeler la région tout entière par la force », expliquait en octobre à Mediapart le chercheur franco-libanais Karim Émile Bitar. En témoigne la situation sur le très stratégique plateau du Golan, dans le sud-ouest de la Syrie, qu’Israël occupe en partie depuis 1967, et qu’il a annexé unilatéralement en 1981.

Quelques heures avant la fuite du dictateur syrien, Bachar al-Assad, chassé dimanche 8 décembre par une offensive éclair de rebelles, Israël a franchi la ligne de démarcation de la zone démilitarisée, au statut singulier, avant de pénétrer franchement le sommet du Golan sitôt les soldats syriens évaporés de cette zone tampon, à la lisière de la partie occupée et annexée par Israël. Une première depuis un demi-siècle.

Depuis, au mépris du droit international, l’armée israélienne multiplie en toute illégalité les bombardements aériens et navals contre des infrastructures militaires syriennes. Stocks d’armes chimiques, défenses aériennes, drones, navires de guerre… Au nom de la sécurité d’Israël, les militaires visent les installations syriennes dans toute leur diversité et ont conduit en moins d’une semaine des centaines d’attaques.

Pour lire la suite : https://www.mediapart.fr/journal/international/131224/syrie-israel-profite-de-la-chute-d-assad-pour-occuper-un-peu-plus-le-golan?utm_source=article_offert&utm_medium=email&utm_campaign=TRANSAC&utm_content=&utm_term=&xtor=EPR-1013-%5Barticle-offert%5D&M_BT=1028046793474

Il s’agit d’empêcher que cet arsenal tombe entre les mains de groupes djihadistes syriens qui pourraient les utiliser contre Israël, arguent les autorités israéliennes, qui promettent « une présence limitée et temporaire », dans l’attente d’une sécurité garantie à la frontière entre Israël et la Syrie. Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a ordonné vendredi 13 décembre à l’armée de « se préparer » à y rester tout l’hiver, « malgré les conditions climatiques difficiles ».

Les déclarations de Benyamin Nétanyahou, en début de semaine, contredisent Katz et révèlent sans équivoque une tout autre ambition. Une ambition qui n’est pas nouvelle. Pour le premier ministre israélien, le Golan, qui surplombe la plaine de Damas et constitue une porte d’entrée sur la Galilée, est israélien « pour l’éternité », martèle-t-il.

« Un point stratégique »
« Notre contrôle sur le plateau du Golan garantit notre sécurité, il garantit notre souveraineté », a notamment déclaré Nétanyahou, remerciant « son ami » Donald Trump, prochain président des États-Unis, pour avoir officiellement reconnu en 2019, lors de son premier mandat, la souveraineté d’Israël sur le Golan, à rebours des résolutions onusiennes et du droit international.

Pour Israël, le Golan si fertile revêt une importance considérable. Principale source d’approvisionnement du lac de Tibériade et du Jourdain, il concentre notamment le tiers de ses réserves en eau. 50 000 personnes environ y vivent, principalement des Druzes qui se considèrent majoritairement comme Syriens et rejettent l’occupation, mais aussi des juifs arabes et des colons israéliens.

Comme le rappelait dans un entretien à Mediapart le chercheur indépendant en histoire contemporaine Thomas Vescovi, après l’attaque attribuée au Hezbollah libanais qui a tué douze jeunes dans un village druze du Golan en juillet, si « Israël a tenu, en 1967, à prendre le plateau du Golan, c’est d’abord en raison des ressources en eau qui s’y trouvent, mais aussi parce que c’est un point stratégique : depuis les hauteurs du Golan, vous avez une visibilité extrêmement large sur la plaine syrienne et sur le Liban ».

« C’est pour cela qu’on y trouve des bases militaires israéliennes, poursuit le chercheur, et c’est aussi pour cela que, du point de vue israélien, c’est un territoire qu’on annexe et auquel on tient, si bien qu’on y installe des populations et qu’on fait en sorte d’opérer ce que j’appelle un état de fait, pour en fait empêcher catégoriquement tout retour en arrière. »

Pour Yassin al-Haj Saleh, l’un des intellectuels opposants au régime Assad les plus connus, « les attaques israéliennes traduisent une volonté d’humilier le peuple syrien et une brutalité extrêmement coloniale » : « Israël veut associer ces jours d’espoir à une humiliation nationale », dénonce auprès de Mediapart l’écrivain syrien exilé à Berlin (Allemagne). En ne respectant pas la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, Israël prend le risque d’attiser un nouveau front guerrier après Gaza, la Cisjordanie, le Liban, dans un Moyen-Orient en plein bouleversement.

Plusieurs pays ont manifesté leur désapprobation, mais sans mouvement massif. « En cette période sensible où apparaît la possibilité de parvenir à la paix et à la stabilité auxquelles le peuple syrien aspire depuis de nombreuses années, Israël affiche une fois de plus sa mentalité d’occupation », a dénoncé la Turquie, qui partage plus de 900 kilomètres de frontière avec la Syrie et sort renforcée de la chute de son ennemi juré Assad.

La Russie, l’un des principaux alliés du régime de Bachar al-Assad, a condamné les attaques et l’occupation israéliennes du Golan, qui « ne contribuent guère à la stabilisation de la situation dans une Syrie déjà déstabilisée ». La France a exhorté Israël à se retirer de la zone tampon, et dénoncé « une violation » de l’accord de désengagement de 1974 entre Israël et la Syrie, à l’instar de l’ONU. Des déclarations vaines, du fait de l’impunité d’Israël.

Rachida El Azzouzi


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