Michel Warschawski : Vers le fascisme d’Israël
Michel Warschawski mène en Israêl oû il réside un combat de toujours pour la reconnaissance des droits des Palestiniens. Cofondateur et président du Centre d’information alternative de Jérusalem et ancien président de la Ligue Communiste Révolutionnaire Marxiste israélienne, il est aussi un nti-sioniste convaincu.
10/8/2014 BELLACIAO - ISRAËL : VERS LE FASCISME
dimanche 10 août 2014 :
De : Michael WARSCHAWKI
Au cours des 45 dernières années j’ai participé à de très nombreuses
manifestations, de petits rassemblements, faits de quelques irréductibles, à
des manifestations de masses où nous étions plus de 100 000 ; des
manifestations calmes, voire festives et des manifestations où nous avions
été attaqués par des groupes de droite, même par des passants. J’ai pris des
coups, j’en ai rendus, et il m’est arrivé, surtout quand j’avais des
responsabilités, d’être nerveux. Mais je ne me souviens pas avoir eu peur.
Mobilisé (en fait détenu en prison militaire pour avoir refusé de rejoindre mon
unité qui devait aller au Liban) je n’ai pas participé, en 1983, à la
manifestation où a été assassiné Emile Grunzweig, par contre j’ai été
responsable du service d’ordre de la manifestation qui, un mois plus tard,
traverse Jérusalem pour commémorer cet assassinat. Nous y avons connu
l’hostilité et la brutalité des passants, mais là non plus je n’ai pas eu peur,
conscient que cette hostilité d’une partie des passants ne dépasserait pas une
certaine ligne rouge, qui pourtant avait été transgressée un mois plus tôt.
Cette fois j’ai eu peur...
Il y a quelques jours nous étions quelques centaines à manifester au centre
ville de Jérusalem contre l’agression à Gaza, à l’appel des « Combattants pour
la Paix ». A une trentaine de mètres de là, et séparés par un impressionnant
cordon de policiers, quelques dizaines de fascistes qui éructent leur haine
ainsi que des slogans racistes. Nous sommes plusieurs centaines, et eux que
quelques dizaines, et pourtant ils me font peur : lors de la dispersion,
pourtant protégée par la police, je rentre chez moi en rasant les murs pour ne
pas être identifié comme un de ces gauchistes qu’ils abhorrent.
De retour à la maison, j’essaie d’identifier cette peur qui nous travaille, car je
suis loin d’être seul à la ressentir. Je réalise en fait qu’Israël 2014 n’est plus
seulement un Etat colonial qui occupe et réprime les Palestiniens, mais aussi
un Etat fasciste, avec un ennemi intérieur contre lequel il y a de la haine.
La violence coloniale est passée à un degré supérieur, comme l’a montré
l’assassinat de Muhammad Abou Khdeir, brûlé vif (sic) par 3 colons ; à cette
barbarie s’ajoute la haine envers ces Israéliens qui précisément refusent la
haine envers l’autre. Si pendant des générations, le sentiment d’un « nous »
israéliens transcendait les débats politiques et (à part quelques rares
exceptions, comme les assassinats d’Emile Grunzweig puis de Yitshak Rabin)
empêchait que les divergences dégénèrent en violence meurtrière, nous
sommes entrés dans une période nouvelle, un nouvel Israël.
Cela ne s’est pas fait en un jour, et de même que l’assassinat du Premier
Ministre en 1995 a été précédé d’une campagne de haine et de délégitimation
menée en particulier par Benjamin Netanyahou, la violence actuelle est le
résultat d’une fascisation du discours politique et des actes qu’il engendre : on
ne compte plus le nombre de rassemblements de pacifistes et
anticolonialistes israéliens attaqués par des nervis de droite.
Les militants ont de plus en plus peur et hésitent à s’exprimer ou à
manifester, et qu’est-ce que le fascisme si ce n’est semer la terreur pour
désarmer ceux qu’il considère comme illégitimes ?
Sur un arrière fond de racisme lâché et assumé, d’une nouvelle législation
discriminatoire envers la minorité palestinienne d’Israël, et d’un discours
politique belliciste formaté par l’idéologie du choc des civilisations, l’Etat
hébreu est en train de sombrer dans le fascisme.
Michael WARSCHAWKI
Bellaciao