« Nous ne quitterons pas nos terres, la Palestine est à nous »

jeudi 30 janvier 2025

Les Palestiniens retournent chez eux et dénoncent le plan de Donald Trump

Pierre Barbancey, Samir Bujy, Saeed Wajjeh et Wajeh Zarefah

Les Palestiniens qui rentrent chez eux trouvent leurs maisons ainsi que toutes les infrastructures détruites. Ils entendent pourtant se réinstaller et dénoncent les déclarations de Donald Trump, qui veut « faire le ménage » et expulser les Gazaouis en Égypte et en Jordanie.

L’Humanité, publié le 28 janvier 2025

Depuis lundi, avec vingt-quatre heures de retard, les Palestiniens quittent le sud de la bande de Gaza où ils ont été forcés de se rendre, repoussés peu à peu par l’armée israélienne. D’un côté, la mer Méditerranée, de l’autre, un paysage de bâtiments détruits et de terres rasées par les forces israéliennes en retrait.

Postés aux abords de la route, des chars israéliens surveillent cette marée humaine, à certains endroits, des combattants armés du Hamas sont visibles, signe qu’Israël n’est pas parvenu à l’éradiquer. De longues files de véhicules, surchargés de bagages, remontent également vers le nord sur un autre axe, plus à l’est.

Ces centaines de milliers de Palestiniens exercent leur droit au retour. Ils emmènent ce qu’ils peuvent avec eux. Des sacs mal fermés contenant des couvertures et des victuailles, des instruments de cuisine et des bidons de gaz. Les hommes portent des enfants sur leurs épaules. Tous marchent, le regard droit, vers le nord, vers leur terre.

« C’est une victoire et nous la célébrons »

Dans la foule, Munther Akeila et sa femme tiennent fermement par la main leurs deux enfants, Mahmoud et Ez-Al Din, qui ont 5 et 6 ans. Et comme si ce n’était pas suffisant, la peur de se perdre étant forte, tous sont reliés par une corde.

Le couple a les traits tirés, signe d’une fatigue aussi physique que morale. « Je suis heureux de pouvoir retourner dans ma maison au nord, même si elle est en ruines. Nous pouvons enfin aller de Deir al-Balah jusqu’à la ville de Gaza. Nous sommes à pied mais peu importe, c’est une victoire et nous la célébrons. »

Alors que les défis humanitaires s’accroissent, les Gazaouis rejettent toute idée de déportation et soulignent leur détermination à survivre. Beaucoup d’entre eux préfèrent retourner dans ce qui reste de leurs maisons détruites, malgré le chaos et les ruines, plutôt que d’accepter des plans visant à faire disparaître leur identité.

C’est peu dire que les déclarations du nouveau président américain, Donald Trump, évoquant l’expulsion des Palestiniens vers l’Égypte et la Jordanie ont suscité une vague de colère et de rejet parmi les habitants de Gaza.

90 % du bâti en ruines

Ils considèrent que rester sur leur terre est un acte de dignité. « Il est impossible pour quiconque de la bande de Gaza de laisser sa terre, son pays », explique Munther. « Ces déclarations resteront lettre morte car elles ne seront pas mises en œuvre, et nous ne quitterons pas notre terre et notre pays, et toutes leurs tentatives échoueront comme ils n’ont pas réussi à nous forcer depuis le début de la guerre. »

Selon le gouvernement de l’enclave, 135 000 tentes et caravanes sont nécessaires à Gaza-ville et dans le gouvernorat du nord, où plus de 90 % du bâti est en ruines. La guerre a aussi détruit « les infrastructures publiques, les systèmes de traitement des eaux usées et d’approvisionnement en eau potable et la gestion publique des déchets », a révélé Achim Steiner, le chef du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).

Ritag Al Haddad, 15 ans, capuche sur la tête, téléphone mobile dans la main, petit sac à dos, a dû quitter la ville de Gaza avec sa famille, pratiquement au début de la guerre. « Personne n’accepte de quitter sa maison, mais nous avions juste peur de mourir sous les bombardements aveugles, et nous devions être comme nos voisins qui étaient délogés et partaient », souligne la jeune fille.

« Maintenant, nous retournons chez nous »

Elle parle de « ces mois difficiles où nous avons ressenti le goût de la mort, de la peur et de la faim tous les jours ». Elle ferme les yeux comme pour conjurer le sort. « J’espère que nous ne revivrons pas ça. » Quand on évoque le projet de Donald Trump d’expulser les Palestiniens, Ritag relève la tête, étonnée.

« Dès l’annonce du cessez-le-feu, nous nous sommes précipités pour partir. Nous avons été bloqués au niveau du corridor de Netzarim (qui coupe la bande de Gaza d’est en ouest et transformé en check-point par les Israéliens, – NDLR) et nous avons attendu des jours. Maintenant, nous retournons chez nous. Nous ne quitterons pas nos maisons et nos terres, la Palestine est à nous », affirme-t-elle.

Un sentiment partagé où que l’on se tourne. C’est le cas de Yousra Ya’qoub Al Mansay. Une sexagénaire, foulard sur la tête et manteau bien fermé pour combattre un froid vif que n’efface pas le léger soleil du matin. Elle est restée dans le nord de la bande de Gaza et n’a pas quitté son hameau depuis le début de la guerre, malgré les tentatives de déplacement forcé. « Je suis une résidente du nord et j’ai résisté au nord malgré la peur des bombardements, des démolitions et de la mort », confie-t-elle.

« Les décisions de Trump et de Netanyahou seront des échecs »

Pendant ces quinze mois, elle a perdu plusieurs fils ainsi qu’un petit-fils et une belle-fille. Son immeuble ressemble plus à une grosse bâtisse délabrée qu’autre chose et elle n’a même pas une tente. Et pourtant, sans forfanterie, elle assure : « Nous ne quitterons pas nos maisons ni ne partirons, tous les plans de Trump échoueront. Nous resterons à Gaza et dans nos maisons. »

À côté d’elle, Oum Zoheir, qui, elle, est seulement de retour dans la ville de Gaza – « après avoir tant souffert de la ruine, de la faim et de la maladie », comme elle le dit dans un soupir – s’exclame : « Notre victoire a été obtenue avec le sang de nos enfants, nos blessures et la destruction de nos maisons. Les décisions de Trump et de Netanyahou seront des échecs, si Dieu le veut. »

Cette fameuse « résilience » palestinienne prend ici tout son sens. Avec les sourires et les pleurs des proches qui se retrouvent après s’être pensés morts, les V de la victoire surgissent. Sur un fauteuil roulant, une vieille dame se met à chanter un chant palestinien qui date de 1948. « Soutenez-vous les uns les autres, peuple de Palestine, soutenez-vous les uns les autres. La Palestine est partie, mais elle ne vous a pas fait ses adieux définitifs. »

Donald Trump a déclaré qu’il avait « regardé une photo de Gaza, c’est comme un immense chantier de démolition. C’est vraiment… il faut reconstruire différemment. Gaza est intéressante, c’est un endroit phénoménal. Sur la mer, le meilleur climat. Tout va bien. On peut faire de belles choses avec. C’est très intéressant. On peut faire des choses fantastiques avec ça ». Son envoyé spécial au Proche-Orient, Steve Witkoff, est promoteur immobilier. Seul problème pour leurs projets, les Palestiniens ont décidé de rester sur leurs terres.


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