SUR CETTE TERRE

MAHMOUD DARWICH, « PLUS RARES SONT LES ROSES », 1989
Traduit de l’arabe par Abdellatif Laäbi
Les éditions de minuit
Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : l’incertitude d’avril, l’odeur du pain à l’aube, les opinions d’une femme sur les hommes, les écrits d’Eschyle, les prémices de l’amour, l’herbe sur les pierres, les mères se tenant debout sur un filet de flûte, et la peur que les souvenirs inspirent aux conquérants.
Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : la fin de septembre, une dame qui entre, de toute sa sève, dans la quarantaine, l’heure de soleil en prison, un nuage imitant une foule d’êtres, les acclamations d’un peuple accompagnant ceux qui montent à la mort avec le sourire, et la peur que les chansons inspirent aux tyrans.
Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : sur cette terre, il y a la maîtresse de la terre, mère des commencements, mère des aboutissements. Elle s’appelait Palestine. Puis on l’appela Palestine. Dame : je mérite, parce que tu es ma Dame, je mérite la vie.