Le mépris de l’ONU pour le droit au retour des Palestiniens est complice de la violence israélienne
La « grande marche du retour » palestinienne a révélé la faiblesse des récits fabriqués par Israël, mais une fois de plus, la communauté internationale préfère parler de « parties » dans le conflit. Alors que la date de la marche prévue se rapprochait, le Jerusalem Post a rapporté que le Coordinateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Nickolay Mladenov, a exhorté « toutes les parties à faire preuve de retenue et à prendre les mesures nécessaires pour éviter une escalade violente ».
Une Palestinienne prenant part à la Marche du retour - Photo : ActiveStills.org
Les Palestiniens ont déjà répété avec insistance que la marche est une forme de protestation non violente découlant d’un droit légitime de retourner sur la terre d’où l’État israélien naissant les a chassés sous la menace des armes. Néanmoins, le Times of Israel a rapporté hier que plus d’une centaine de tireurs d’élite ont été déployés le long de la frontière avec la Bande de Gaza « pour faire face à une marche palestinienne qui devrait commencer vendredi… » Les officiers « les autoriseront à ouvrir le feu si… des vies israéliennes sont en danger… ». Le chef d’état-major des Forces de défense israéliennes (IDF), Gadi Eizenkot, a en outre précisé : « Ils ont l’ordre d’utiliser une grande force. »
Les médias israéliens soutiennent la violence préméditée de l’État en qualifiant la manifestation palestinienne d’acte de violence avant même qu’elle n’ait eu lieu, et ont donc justifié à l’avance ce qu’ils considèrent comme une réponse nécessairement violente. Cependant, ils ne sont pas les seuls à favoriser des récits de dénégation concernant la violence coloniale d’Israël. L’ONU ne fait preuve d’aucune fermeté lorsqu’il s’agit de tenir Israël responsable de ses crimes, ce qui devient un élément essentiel de ce qui permet à l’entité coloniale d’agir en toute impunité. La meilleure preuve en est son attitude condescendante à l’égard du droit au retour des Palestiniens.
Israël National News a publié plus tôt cette semaine un éditorial qui décrivait la protestation prévue comme la « dernière innovation en date » dont l’objectif immédiat des Palestiniens participant à la marche était « de se faire tuer », pour simplement « délégitimer Israël ». L’éditorial fournit les aperçus les plus déconnectés de la Nakba, que l’auteur décrit comme « la date en 1948 à laquelle Ben Gourion a proclamé l’État d’Israël et où cinq États arabes l’ont envahi ». Inutile de dire que l’article cherche aussi à désavouer le déplacement, la dépossession et le nettoyage ethnique qui ont transformé les Palestiniens en réfugiés permanents.
Le déni généralisé par Israël du droit au retour des Palestiniens nécessite cette manipulation de l’histoire de la population autochtone. Cela permet également à Eizenkot de justifier que des tireurs d’élite tirent sur des Palestiniens « marchant sur notre territoire. » Pourtant, le refus de la communauté internationale de soutenir le droit au retour parfaitement légitime en dit long sur la collusion de l’ONU avec Israël. C’est aussi la preuve que l’ONU n’a jamais eu l’intention de faire appliquer ce droit, même si son application était la condition de l’adhésion d’Israël à l’organisation internationale. La seule possibilité réside dans les mains du peuple palestinien, qui a le pouvoir de s’éloigner, au moins intellectuellement, des impositions déguisées en résolutions de l’ONU.
La Grande Marche palestinienne du retour devrait donc susciter une réflexion. Bien qu’ils cherchent à se conformer aux résolutions de l’ONU, les Palestiniens se sont trouvés entravés par des cycles de dépossession, ce qui montre que l’ordre du jour international est profondément vicié et corrompu. La réaction internationale à cette protestation non-violente n’a pas choisi de condamner les plans israéliens d’assassiner des Palestiniens à la frontière de leur propre terre ; l’ONU au contraire a choisi un discours qui insiste sur l’équivalence entre les protagonistes alors qu’il est clair pour tout le monde qu’il n’y en a pas. Une puissance coloniale dotée de l’une des forces armées les mieux équipées du monde – y compris d’armes nucléaires – impose sa volonté à une population colonisée qui cherche à retourner sur ses propres terres et à casser le statut de réfugié permanent devenu synonyme de Palestiniens.
Puisque Israël et l’ONU ont déjà choisi leurs récits violents, nous sommes en droit de nous demander pourquoi l’intention de cette dernière est de maintenir la coercition politique qui est à l’origine du problème des réfugiés palestiniens et de se trouver confrontée à sa propre responsabilité dans la transformation du droit légitime au retour en un jeu dangereux aux options limitées. Les Palestiniens, quant à eux, peuvent soit se soumettre et rester éternellement déplacés, soit défendre leurs droits et être tués par des actes de violence préméditée par Israël, avec lequel l’ONU est de connivence.
Ramona Wadi est rédactrice au Middle East Monitor, où cet article a d’abord été publié. Article transmis par l’auteure à PalestineChronicle.com.
[*Un document précieux à lire, le bulletin du groupe "réfugiés" de l’AFPS*]