“La normalisation un échec pour la Palestine”
“Dans le contexte actuel de normalisation entre les pays arabes et Israël, on peut dire que c’est un échec total pour la Palestine”, analyse Alain Gresh, spécialiste du conflit israélo-palestinien, auteur de l’ouvrage “Le Fatah, la révolution palestinienne et les juifs”.
“Liberté” : Quel avenir pour la cause palestinienne dans la nouvelle donne de normalisation des États arabes avec Israël ?
Alain Gresh : La cause palestinienne traverse une période extrêmement difficile depuis les Accords d’Oslo, signés en 1995, et leur échec pour des raisons multiples, à commencer par les divisions apparues entre les Palestiniens et la réduction de la question palestinienne à une affaire de territoires entre Israël et la Palestine.
La question palestinienne n’est plus une cause de libération nationale, au même titre que les mouvements de libération de l’Afrique du Sud ou de l’Afrique australe. On peut dire que tous ces éléments ont déjà créé le contexte dans lequel les pays arabes se sont acheminés peu à peu, comme l’Égypte et la Jordanie, vers la normalisation avec Israël. Depuis une dizaine d’années, en raison notamment de l’affaiblissement des différents courants politiques palestiniens, cette tendance à la normalisation s’est précisée, à la faveur aussi de contacts multiples et, plus ou moins secrets, entre Israël et les pays arabes. Ce qui est important, de mon point de vue, est que cette tendance est liée directement à la crise du mouvement palestinien lui-même, qui est arrivé à bout de la période révolutionnaire inaugurée avec la guerre de juin 1967 et l’émergence du Fatah à la tête de l’OLP, portant un projet de libération nationale. Aujourd’hui, dans le contexte actuel de normalisation des pays arabes avec Israël, on peut dire que c’est un échec total pour la Palestine.
Pour ne pas être tout à fait négatif, les Palestiniens, dans ce contexte, disposent encore de deux atouts. D’abord, contrairement aux visées du projet sioniste, les Palestiniens sont encore majoritaires, représentant plus de la moitié de la population dans la terre historique de Palestine, avec une capacité de résistance importante, malgré les divisions de leadership. On l’a vérifié en mai dernier, avec toutes les mobilisations, autour de Jérusalem, des Palestiniens dans leurs différentes composantes de Gaza, de Cisjordanie, des citoyens palestiniens de nationalité israélienne ou encore des Palestiniens de la diaspora. Cela est le signe d’une grande conscience nationale.
L’autre élément important, malgré cette normalisation, c’est que la cause palestinienne reste à la fois une cause arabe, mais aussi mondiale. Tous les sondages le montrent, la cause palestinienne continue de bénéficier d’un soutien international autant humanitaire que politique. Il est intéressant, par exemple, de voir comment le Soudan, en pleine révolution, a tenu tête et résisté face aux pressions énormes des États-Unis, poussant ce pays à normaliser ses relations avec Israël. Les peuples sont fondamentalement hostiles à un rapprochement avec Israël.
Qu’est-ce qui fait courir les pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël ? Dans quel intérêt ?