Lettre ouverte de Me Maurice Buttin à Sébastien Lecornu, ministre des Armées (25/11/22)
Monsieur le Ministre,
J’extrais de votre interview dans le JDD du 20 novembre 2022 à propos du conflit russo-ukrainien, en réponse à la question : « Est-ce aussi le moment propice pour négocier ? »
« C’est aux Ukrainiens de le dire. Il y a un agressé et un agresseur dans cette guerre. ! Si l’on croit au droit international et au respect des frontières, l’Etat agressé fixe ses lignes et son calendrier de négociations. Aucun conflit ne se termine sans une issue politique et diplomatique ».
Et encore : « La France tient son rôle, mais je le redis, ce sont les Ukrainiens qui diront ce qui est acceptable ou non pour eux. Ne pas respecter cela reviendrait à valider la stratégie russe du « fait accompli » depuis l’annexion de la Crimée en 2014 »
Et de plus : « Nous allons continuer à aider l’Ukraine aussi longtemps que le conflit durera (…). Nous avons choisi de livrer des armes utiles, fiables et parfois très modernes comme les canons Caesar ».
Je pense que vous êtes d’accord pour reconnaître que la position de notre pays devrait être la même partout dans le monde.
Or, si je vous paraphrase sur le sujet qui m’est cher depuis bientôt 55 ans, la reconnaissance des droits du peuple palestinien, nous sommes loin du compte.
Est-ce le moment pour négocier dans le conflit israélo-palestinien ?
« C’est aux Palestiniens à le dire. Il y a un agressé. Il y a un agresseur (Israël, depuis juin 1967). Si l’on croit au droit international et au respect des frontières, l’Etat agressé fixe ses lignes et son calendrier de négociations ». (Les Palestiniens ont fixé leur ligne lors de la proclamation de leur Etat le 15 novembre 1988. Et, celui-ci, membre observateur à l’ONU depuis novembre 2012 - 10 ans ! - est aujourd’hui reconnu par plus de 140 Etats).
« La France tient son rôle (?) mais je le redis, ce sont les Palestiniens qui diront ce qui est acceptable ou non pour eux. (Ils l’ont dit depuis 1988) Ne pas respecter cela reviendrait à valider la stratégie israélienne du « fait accompli » depuis l’occupation de la Palestine en 1967 ».
En tant que ministre des Armées, seriez-vous prêt à demander au Président de la République, Emmanuel Macron, chef des armées, « d’aider la Palestine aussi longtemps que le conflit durera (…). Et de lui « livrer des armes utiles, fiables et parfois très modernes comme les canons Caesar » …
Vous n’ignorez pas, bien sûr, la Déclaration du Conseil européen sur le Moyen-Orient, lors de la réunion de Venise le 13 juin 1980 - 42 ans ! - : « Les neufs pays de la Communauté européenne (CEE) estiment que les liens traditionnels et les intérêts communs qui unissent l’Europe et le Moyen-Orient leur imposent de jouer un rôle particulier (…) A cet égard les neuf pays de la Communauté se fondent sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité et sur les résolutions qu’ils ont exprimé à plusieurs reprises (…). Le moment est venu de favoriser la reconnaissance et la mise en œuvre des deux principes universellement admis par la communauté internationale : le droit à l’existence et à la sécurité de tous les Etats de la région, y compris Israël, et la justice pour tous les peuples, ce qui implique la reconnaissance légitime du peuple palestinien ». (Souligné par moi).
Où en sommes-nous plus de 42 ans après ?
Je sais que, tout jeune, vous étiez proche de votre grand-père gaulliste, ancien résistant. Vous n’ignorez donc pas, non plus, la célèbre conférence de presse prémonitoire du général De Gaulle du 27 novembre 1967. J’en extrais : « Israël ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant, il organise sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ». Aujourd’hui, plus de cinquante-cinq ans d’occupation, de répression, d’expulsions et j’ajouterai d’humiliation !
Si vous ne souhaitez pas demander au Président que notre pays livre des armes aux résistants palestiniens, vous pourriez au moins lui suggérer que la France reconnaisse l’Etat de Palestine, sans attendre encore des années – dans l’intérêt même de l’Etat d’Israël à long terme
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
*Me Maurice Buttin est Président par intérim du « Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient ». Il est.membre des C.A. de « Pour Jérusalem », de « Chrétiens de la Méditerranée », des « Amis de Sabeel-Ftrance ». Membre de l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS).