Par Aseel Jundi – SHEIKH JARRAH, Jérusalem occupée
À première vue, tout semble relativement normal à Karm al-Jaouni, dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem Est occupée. Mais la clameur des journalistes et des ONG qui s’y rassemblaient la semaine dernière raconte tout autre chose d’un quartier dans la tourmente.
Le quartier de Sheikh Jarrah est habité par des réfugiés palestiniens, chassés de leurs villes et villages par des milices sionistes pendant la Nakba (« catastrophe ») en 1948. Mais Israël veut aujourd’hui peupler la zone de colons israéliens et les résidents palestiniens sont désormais, une fois de plus, confrontés au spectre de l’expulsion.
Afin de tenter d’obtenir un soutien de la communauté internationale, des activistes viennent de lancer une campagne sur internet, #SaveSheikhJarrah, pour aider à sauver les habitants de Karm al-Jaouni d’une éviction forcée que beaucoup ont déjà connue.
Pour Nabil al-Kurd, septuagénaire hiérosolymitain et habitant de Karm al-Jaouni, cette campagne est une lueur d’espoir qui pourrait l’aider à conserver sa maison et éviter de revivre l’expérience d’être chassé de son foyer comme ce fut le cas à Haïfa en 1948.
« Nous voulons porter notre voix vers la Jordanie, l’Autorité palestinienne, l’ONU et les organisations de droit international car toutes ces parties sont impliquées dans notre problème, qui a certainement atteint le niveau de crime de guerre », déclare-t-il.
En 1956, le gouvernement jordanien, avec l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a conclu un accord pour établir ces familles à Jérusalem en échange de leurs documents de réfugiés.
Une trentaine de familles ont été choisies et des logements leur ont été procurés, construits par le gouvernement jordanien, pendant trois ans, après quoi la propriété des biens a été automatiquement transférée à leur nom. Ces contrats de location ont expiré en 1959 et les résidents sont devenus propriétaires de leurs biens.
Cependant, après l’occupation de Jérusalemv en 1967, la partie est de la ville est passée sous contrôle israélien et en 1972, les habitants de Sheikh Jarrah ont été pris par surprise quand deux commissions juives ont enregistré les 18 dounams de terre comme leur propriété au Département israélien des affaires foncières.
Après cela, des dizaines d’affaires ont été présentées devant les tribunaux israéliens. Les 28 familles palestiniennes se sont étendues et le nombre d’habitants menacés d’expulsion au bénéfice des colons s’élève désormais à environ 600 Palestiniens.
En 2019, l’avocat Samir Ershied expliquait à MEE que les affaires d’expulsion à Sheikh Jarrah étaient discriminatoires dans la mesure où les procédures légales ne prenaient pas en considération le fait que Jérusalem-Est était un territoire occupé.
Selon le droit international, un État occupant ne peut pas transférer de force les habitants des territoires occupés car il a l’obligation de préserver le paysage démographique.
Autre point de contentieux, des juifs israéliens prétendent qu’un sanctuaire dédié à Siméon al-Siddiq (fondateur de la tribu israélite de Siméon) est situé au cœur du quartier de Karm al-Jaouni.
Les Palestiniens réfutent cette allégation, affirmant que ce sanctuaire est en réalité musulman, dédié au saint Saad al-Din Hijazi qui y a été inhumé il y a 400 ans, et que des « cartes ottomanes » prouvent leurs dires.