Syrie : après le « cauchemar », les Palestiniens de Yarmouk gardent l’espoir d’une reconstruction
Après des années de combats et de bombardements dévastateurs, le principal centre urbain de la diaspora palestinienne, dans le sud de Damas, n’est plus qu’un océan de ruines. Pour reconstruire Yarmouk, les habitants espèrent des aides internationales qui, pour l’heure, n’arrivent pas.
« Nous avons vécu un cauchemar terrifiant », lâche Amina, une des rares résidentes qui n’a pas fui le camp palestinien ravagé par la guerre. « Nous avons maintenant besoin de quelqu’un pour reconstruire nos maisons », ajoute la quadragénaire.
En mai, le gouvernement syrien et ses alliés ont reconquis cet ex-bastion des jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Cinq mois plus tard, les immeubles aplanis s’alignent toujours près de bâtisses en béton éventrées et de façades noircies.
Des enfants jouent à vélo au milieu des ruines du camp palestinien de Yarmouk, au sud de Damas, le 1er novembre 2018 Photo LOUAI BESHARA. AFP
Les pays étrangers « doivent nous aider parce que nous sommes comme un estropié qui a besoin d’une béquille », confie Amina, vêtue d’une longue abaya noire et arborant un foulard blanc.
Etabli dans les années 1950, Yarmouk était initialement un camp de réfugiés créé pour les Palestiniens chassés de leurs terres après la création d’Israël en 1948.
Devenu au fil des ans un véritable quartier résidentiel et commercial, il abritait environ 160.000 réfugiés palestiniens ainsi que des Syriens avant le début du conflit en 2011.
Fin 2012, seuls quelques milliers vivaient encore dans le camp, tombé aux mains des rebelles. Et, trois ans plus tard, les jihadistes de l’EI s’érigeaient en maîtres des lieux.
Jeux pour enfants
En dépit d’un siège asphyxiant et des destructions massives, des dizaines d’irréductibles, dont la famille d’Amina, n’ont pas déserté. D’autres ont réussi à y revenir, au compte-gouttes.
Dans la rue d’Amina, l’une des rares encore habitée, un voisin revenu il y a quelques mois a aménagé une aire de jeu pour enfants.
Abou Bilal a rassemblé balançoires, tourniquets et toboggans, récupérés à travers le camp. Au mur, des portraits du président syrien Bachar al-Assad ou de l’ancien leader palestinien Yasser Arafat, décédé en 2004.
« J’ai créé cet espace pour que les enfants du quartier soient heureux », explique le quinquagénaire, devenu balayeur.
Il espère surtout leur faire oublier les monticules de décombres et les carcasses carbonisées de bus et de voitures, dispersées le long du chemin qu’ils empruntent chaque jour pour rejoindre leur école, à l’extérieur du camp.
« Ce que je fais n’est pas suffisant pour que les gens reviennent », reconnaît-il, en espérant que « les pays donateurs » et les agences onusiennes apporteront leur « soutien ».
En septembre, les pelleteuses se sont mis en branle pour évacuer les gravats. L’opération, financée par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en coordination avec le gouvernement syrien, devrait durer encore deux mois.
Mais ce déblayage risque de rester sans suite. « La reconstruction nécessite (l’implication) des pays (étrangers) et un énorme capital », affirme Mahmoud Khaled, un ingénieur palestinien membre du comité supervisant les opérations.
Damas n’a toujours pas donné son feu vert à un éventuel chantier en bonne et due forme, déplorent l’ONU et des responsables palestiniens.
« Ville fantôme »
L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) estime que rien ne sera réhabilité avant que le gouvernement n’autorise les habitants à rentrer.
« Quel est le futur du camp ? Le gouvernement va-t-il autoriser les gens à revenir ? », s’interroge Mohammed Abdi Adar, directeur de l’Unrwa en Syrie.
« Avant de faire quoi que ce soit, nous devons obtenir une réponse claire des autorités », ajoute-t-il.
Quelque 23 bâtiments de l’agence, dont 16 écoles, ont été endommagés par le conflit.
Et assurer un financement aux travaux nécessaires risque d’être ardu, ajoute le responsable. L’agence, déjà empêtrée dans une grave crise financière, est confrontée localement à des difficultés supplémentaires, en raison des antagonismes diplomatiques qui marquent le conflit.
« De nombreux donateurs ne veulent pas soutenir la reconstruction », déplore-t-il.
Dans un pays où le conflit a fait plus de 360.000 morts depuis 2011 et jeté des millions sur la route de l’exil, quelque 120.000 Palestiniens ont trouvé refuge à l’étranger.
En juillet, les autorités ont chargé le ministère des Travaux publics d’élaborer un nouveau plan d’urbanisme pour Yarmouk, faisant craindre que le secteur ne tombe sous la coupe d’une nouvelle loi controversée.
Adopté en avril, ce « décret numéro 10 » autorise le gouvernement à saisir des propriétés privées pour les besoins de projets immobiliers, en contrepartie d’actions dans ces projets.
Interrogés par l’AFP, des responsables locaux palestiniens se veulent confiants. Ils citent un plan d’urbanisme spécifique adopté en 2004, qui devrait, selon eux, servir de base à toute reconstruction.
Cela fait six ans que Wassel Hmeida a quitté Yarmouk. Pour cet étudiant de 29 ans, tout retour est « difficile ».
« Il n’y a rien qui t’encourage, poursuit le jeune homme. Je ne sais pas comment un de mes voisins peut vivre tout seul dans sa maison au milieu d’une ville fantôme. »
Source : Libération et AFP
[*Voir aussi*]
Le gouvernement syrien et les Palestiniens de Yarmouk mènent un travail intense afin de reconstruire au plus vite ce quartier de Damas pour permettre à des milliers de personnes de rentrer chez elles.