Chomsky : « Sans le soutien des États-Unis, Israël ne pourrait pas tuer les Palestiniens en masse »

mardi 22 juin 2021

Les gouvernements israéliens successifs tentent depuis des années de chasser les Palestiniens de la ville sainte de Jérusalem, et la dernière série d’attaques israéliennes s’inscrit dans cet objectif. Mais pour comprendre les racines de l’escalade actuelle – et la menace possible d’une guerre totale – il faut examiner la politique fondamentale du gouvernement israélien, soutenue par les États-Unis, qui utilise des stratégies de « terreur et d’expulsion » dans le but d’étendre son territoire en tuant et en déplaçant les Palestiniens, déclare Noam Chomsky dans cette interview exclusive pour Truthout.

JPEG - 91 ko De la fumée et une boule de feu s’élèvent au-dessus de bâtiments à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, lors d’une frappe aérienne israélienne, le 12 mai 2021. SAID KHATIB / AFP VIA GETTY IMAGES

Chomsky – professeur lauréat de linguistique à l’Université d’Arizona et professeur émérite de l’Institut du MIT – est internationalement reconnu comme l’un des analystes les plus avisés du conflit israélo-palestinien et de la politique du Moyen-Orient en général, et est une voix majeure dans la lutte pour la libération de la Palestine. Parmi ses nombreux écrits sur le sujet, citons The Fateful Alliance : The United States, Israel and Palestinians (L’alliance funeste : les Etats-Unis, Israël et les Palestiniens, NdT) ; Gaza in Crisis : Reflections on Israel’s War Against the Palestinians (Réflexions sur la guerre d’Israël contre les Palestiniens, NdT) ; et On Palestine (De la Palestine, NdT).

C. J. Polychroniou : Noam, je voudrais commencer par vous demander de replacer dans son contexte l’attaque israélienne contre les Palestiniens de la mosquée al-Aqsa au milieu des manifestations d’expulsion, puis les derniers raids aériens à Gaza. Qu’est-ce qui est nouveau, qu’est-ce qui est ancien, et dans quelle mesure ce dernier cycle de violence néocoloniale israélienne est-il lié au déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem par Trump ?

Noam Chomsky : Il y a toujours de nouveaux rebondissements, mais, pour l’essentiel, il s’agit d’une vieille histoire, qui remonte à un siècle et qui a pris de nouvelles formes après les conquêtes d’Israël en 1967 et la décision, il y a 50 ans, par les deux principaux groupes politiques, de choisir l’expansion plutôt que la sécurité et le règlement diplomatique – en anticipant (et en recevant) le soutien matériel et diplomatique crucial des États-Unis tout au long du processus.

Pour ce qui est devenu la tendance dominante du mouvement sioniste, il y a eu un objectif déterminé à long terme. En termes simples, il s’agit de débarrasser le pays des Palestiniens et de les remplacer par des colons juifs présentés comme les « propriétaires légitimes des terres » rentrant chez eux après des millénaires d’exil.

Au départ, les Britanniques, alors en charge, considèrent généralement ce projet comme juste. Lord Balfour, auteur de la déclaration accordant aux Juifs un « foyer national » en Palestine, a assez bien résumé le jugement éthique de l’élite occidentale en déclarant que « le sionisme, qu’il soit juste ou faux, bon ou mauvais, est enraciné dans une tradition séculaire, dans des besoins actuels, dans des espoirs futurs, d’une importance bien plus profonde que les désirs et les préjugés des 700 000 Arabes qui habitent aujourd’hui cette terre ancienne. »

Ces sentiments ne sont pas inconnus.

Depuis lors, les politiques sionistes ont été opportunistes. Lorsque cela est possible, le gouvernement israélien – et même l’ensemble du mouvement sioniste – adopte des stratégies de terreur et d’expulsion. Lorsque les circonstances ne le permettent pas, il utilise des moyens plus doux. Il y a un siècle, le dispositif consistait à installer discrètement une tour de guet et une clôture, et bientôt cela se transformerait en une colonie, des faits sur le terrain. La contrepartie aujourd’hui est l’État israélien qui expulse encore plus de familles palestiniennes des maisons où elles vivent depuis des générations – avec un geste vers la légalité pour soulager la conscience de ceux que l’on qualifie en Israël de « belles âmes. »

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