Comment Israël tente d’éradiquer toute résistance palestinienne
Comment Israël tente d’éradiquer toute résistance palestinienne
Au moins 190 Palestiniens ont été tués depuis le début de l’année. L’opération de ces derniers jours à Jénine a fait 12 morts. Les Palestiniens se sentent abandonnés par la communauté internationale et leurs dirigeants politiques. Décryptage
Publié le Mercredi 5 juillet 2023Pierre Barbancey
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L’armée israélienne a décrété, mercredi, la fin d’une opération militaire à grande échelle en Cisjordanie occupée. Pendant quarante-huit heures, le camp de réfugiés de Jénine et ses 18 000 habitants ont été la cible d’attaques terrestres et aériennes. On n’avait pas vu ça depuis vingt ans, au moment de la seconde Intifada.
Alors que les drones bombardaient sans relâche, les soldats pénétraient dans les maisons, détruisant les cloisons pour progresser et installer des snipers. Les routes menant au camp de réfugiés étaient bloquées, entravant l’accès des ambulances. Un camp dont la majeure partie est restée sans électricité ni eau pendant deux jours. Plus de 500 familles, soit plus de 3 500 personnes, ont dû fuir.
Selon le ministère palestinien de la Santé, douze Palestiniens, dont cinq enfants, ont été tués, 143 blessés dont 20 seraient dans un état critique. Mercredi 5 juillet, des dizaines de milliers de Palestiniens, de la ville de Jénine et du camp éponyme, ont participé aux funérailles de ceux abattus par l’armée israélienne.
Pourquoi cet acharnement israélien contre Jénine ?
Depuis mars 2022, les raids israéliens se sont intensifiés contre Jénine et surtout son camp de réfugiés considéré comme un « nid de terroristes », mais symbole de la résistance palestinienne. Yasser Arafat parlait de Jeningrad. Ceux qui combattent aujourd’hui sont les enfants des résistants de 2002 qui s’opposaient à l’entrée des soldats dans le camp.
Ce sont les descendants de Palestiniens dépossédés de leurs terres lorsque Israël a été créé en 1948. La plupart sont pauvres et sans emploi. « Le refus de l’occupation et de l’injustice est une culture pour les jeunes », insiste Jamal Hweil, combattant fait prisonnier en 2002, aujourd’hui enseignant à l’université arabo-américaine de Jénine.
Pour Netanyahou et son gouvernement composé de colons, de membres de l’extrême droite et de religieux, il convient d’éradiquer toute opposition à l’occupation et vite. Ce glissement dans l’une des pires violences de l’occupant depuis l’Intifada des Palestiniens de 2000-2005 survient au milieu d’une absence prolongée de pourparlers de paix envisageant un État palestinien, une direction politique palestinienne de plus en plus faible et une expansion régulière des colonies juives sur les terres occupées sous le gouvernement nationaliste le plus dur d’Israël.
Les plans d’annexion sont maintenant clairs et affichés tout comme l’accélération de la colonisation avec l’annonce de la construction de 5 500 nouveaux logements. Tel-Aviv sait également que cette résistance palestinienne, qui cherche sa voie, essaime un peu partout dans les villes de Cisjordanie, à Naplouse, à Tulkarem ou à Kalkilya. Frapper Jénine, c’est donner un avertissement. Au moins 190 Palestiniens ont été tués depuis le début de l’année.
Quelle politique palestinienne face à l’occupation ?
« Le but de la coalition au pouvoir en Israël reste l’annexion, le transfert de populations, le changement du statut sur l’esplanade des Mosquées, la confrontation militaire avec Gaza, peut-être la guerre avec le Hezbollah libanais et l’Iran », rappelle Hani Al Masri, chercheur et membre de la Fondation Yasser-Arafat.
Si Israël multiplie les raids tant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza (de nouveaux bombardée mercredi), c’est aussi parce que le mouvement national palestinien est divisé politiquement et géographiquement. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) n’est plus que l’ombre d’elle-même et remplacée, de fait, par l’Autorité palestinienne (AP) dirigée par Mahmoud Abbas, 87 ans. Une AP incapable d’une quelconque initiative politique et particulièrement haïe par les jeunes.
Mardi soir, ces derniers sont venus caillasser le siège de l’Autorité à Jénine pour dénoncer l’attitude des forces de sécurité palestinienne. Celles-ci ont disparu dès l’entrée des troupes israéliennes laissant la population à la merci de l’occupant. Mercredi, le représentant de Mahmoud Abbas a été expulsé de la commémoration pour les victimes. « Les gens sont déçus de la situation économique, politique et par la division des organisations », souligne Jamal Hweil. « Les jeunes s’expriment en résistant d’une façon différente, pas avec les factions politiques. » D’ailleurs, il n’y a même plus d’élections, ce qui permet à Mahmoud Abbas de gouverner pratiquement seul.
Pour cette nouvelle génération, les accords d’Oslo ne représentent rien d’autre qu’une capitulation. « La nouvelle génération de Palestiniens croit en la résistance, fait remarquer Hani Al Masri. Mais le leadership palestinien ne fait pas ce qu’il devrait faire. Et les partis non plus. Ils ont besoin de se réformer, de changer, d’arrêter de se concentrer sur leurs propres intérêts au lieu de ceux du mouvement national."
Ce hiatus entre les jeunes Palestiniens et les directions politiques, s’il devait se prolonger, est un danger extrême car il ne permet pas l’élaboration d’une ligne politique et d’une stratégie claire pour la création d’un État palestinien. Israël l’a bien compris qui cherche à aggraver les antagonismes politiques et religieux de la société palestinienne.
Que fait la communauté internationale ?
Rien. Il n’est qu’à écouter Lafi Adeeb Shalabi, maire de Turmus Ayya, village près de Ramallah, en Cisjordanie. « Le silence de la communauté internationale sur ce qui se passe en Palestine renforce l’impunité des colons et du gouvernement israélien qui appelle désormais clairement, entre autres par la voix d’Itamar Ben-Gvir (ministre de la Sécurité nationale – NDLR), à multiplier les attaques contre les Palestiniens. »
L’agression contre Jénine a donné lieu à de molles protestations. Ainsi, la France reconnaît « les impératifs de sécurité d’Israël » et s’inquiète seulement « du respect de ses obligations internationales au titre du droit humanitaire ». Une attaque palestinienne en Israël, en revanche, est estampillée « terroriste ».
Alors que Netanyahou, le premier ministre israélien, ne cache pas qu’il ne veut plus entendre parler d’un processus visant à la création d’un État palestinien, l’Union européenne comme les États-Unis ou la Russie détournent les yeux et font comme si de rien n’était.
Avec l’Ukraine, on avait pourtant cru comprendre que les invasions, les annexions et les occupations n’étaient pas tolérées. Un deux poids, deux mesures que dénoncent les Palestiniens en affirmant qu’avec ou sans les institutions internationales, ils n’abdiqueront jamais leur droit à un État avec Jérusalem-Est comme capitale.
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PALESTINE 13 - Groupe marseillais de l’AFPS
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