Comment la couverture médiatique blanchit la violence d’État israélienne contre les Palestiniens

vendredi 13 mai 2022

Laura Albast, journaliste et traductrice palestino-américaine, est rédactrice en chef de la stratégie numérique et des communications à l’Institute for Palestine Studies USA.

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Cat Knarr, écrivain d’origine palestinienne et colombienne, est directrice de la communication de la Campagne américaine pour les droits des Palestiniens.

Le 15 avril à l’aube, la police israélienne a attaqué des fidèles palestiniens sur le site sacré de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. Ils ont utilisé des grenades assourdissantes, des gaz lacrymogènes et des balles en acier recouvertes de caoutchouc, faisant plus de 150 blessés. Depuis lors, les forces israéliennes ont lancé de nouvelles incursions, détenant plus de 300 Palestiniens dans le complexe d’Al-Aqsa et empêchant les chrétiens palestiniens d’entrer dans l’église du Saint-Sépulcre. Cette violence soigneusement calculée intervient alors que les musulmans palestiniens entrent dans les derniers jours du Ramadan.

Lorsque l’on regarde les images de ce qui s’est passé, la dynamique est évidente : des forces armées avec des équipements et des armes à feu contre des fidèles agenouillés en prière. Cependant, la couverture médiatique occidentale qualifie régulièrement la situation de "compliquée", décrivant cette violence d’État comme des "affrontements" et des "tensions" entre deux camps. Les titres de médias tels que l’Associated Press, le New York Times, le Guardian, le Wall Street Journal, NBC News et d’autres utilisent un langage qui ne reconnaît pas le déséquilibre de pouvoir entre l’appareil militaire israélien et le peuple palestinien autochtone.

C’est un schéma que nous avons vu à maintes reprises dans la couverture médiatique de la Palestine. Les Palestiniens ne sont pas tués, nous mourons tout simplement. Lorsque les forces israéliennes font des raids dans nos quartiers au milieu de la nuit, bombardent nos enfants, démolissent nos maisons, colonisent nos terres et tuent notre peuple, nous sommes en quelque sorte les instigateurs égaux. Les descriptions des médias impliquent régulièrement une fausse symétrie entre l’occupant et l’occupé, soutenant des récits anti-palestiniens et islamophobes qui rendent le peuple palestinien responsable de l’agression israélienne.

Cette situation contraste avec la couverture de la guerre en Ukraine, dans laquelle les médias occidentaux indiquent très clairement que la Russie est l’agresseur et que le peuple ukrainien résiste, comme n’importe qui le ferait si sa maison était envahie. Qu’il s’agisse d’appeler à des sanctions contre Moscou ou de faire l’éloge de l’utilisation de cocktails Molotov contre les soldats russes à Kiev, les principaux médias occidentaux ont soutenu les tentatives de la population ukrainienne de se défendre.

Pourtant, lorsqu’il s’agit de l’occupation israélienne de la Palestine, ces mêmes médias omettent souvent de désigner l’agresseur. Les civils ukrainiens qui lancent des cocktails Molotov sur les chars russes sont qualifiés de "courageux", mais Qusai Hamamrah, 14 ans, a été décrit comme représentant une menace immédiate après que des soldats israéliens armés ont affirmé qu’il leur avait lancé un cocktail Molotov. Il s’agit d’une différence radicale et raciste dans la couverture médiatique, qui a passé sous silence les récits de témoins oculaires indiquant que le garçon courait pour se cacher des balles israéliennes visant un autre Palestinien.

Les salles de presse ne peuvent pas choisir quelle violence sanctionnée par l’État est légitime. Elles doivent s’efforcer de rendre compte des actions de l’armée israélienne et des colons israéliens de la même manière que les abus commis en Ukraine et dans d’autres pays sont couverts. En effet, le gouvernement israélien est très conscient du potentiel des médias à dénoncer ces abus. Les forces israéliennes ont bombardé des bureaux de presse dans la bande de Gaza en mai dernier et ont attaqué des journalistes tels que Nasreen Salem à Al-Aqsa.

L’été dernier, plus de 500 journalistes ont signé une lettre ouverte dénonçant les malversations néfastes de la couverture médiatique américaine de la Palestine. Ce cri d’alarme n’a pas été entendu ; la couverture biaisée continue d’être la norme.

Ce mois-ci, l’Association des journalistes arabes et du Moyen-Orient a rappelé aux journalistes qu’ils devaient être attentifs au langage et au contexte et a réitéré les conseils de reportage publiés lors de l’attaque meurtrière d’Israël contre Gaza l’année dernière, qui a tué 259 Palestiniens, dont 66 enfants. Ces conseils demandent aux journalistes de reconnaître que les Palestiniens sont soumis à un système injuste et inégal, qui a été qualifié d’apartheid par des organisations internationales telles que Human Rights Watch et Amnesty International, ainsi que par l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme B’Tselem. Elle a également demandé aux journalistes de se méfier de l’encadrement religieux et de "dire aux lecteurs qui a été tué ou blessé, où et par qui, en utilisant un langage actif plutôt que passif". En pratique, cela signifie qu’il faut dire clairement qui est l’agresseur, quelle action il a menée et contre qui.

Les journalistes ont la responsabilité de rapporter les faits sans parti pris. Le journalisme concerne les gens : leurs histoires, leur histoire, leur réalité. Cela inclut le peuple palestinien. Le reportage factuel doit inclure la recherche des voix palestiniennes et l’investigation des affirmations des représentants du gouvernement avant de les présenter comme des vérités.

En négligeant de contextualiser la violence de l’État israélien, les médias ont donné un laissez-passer au gouvernement israélien, lui permettant de poursuivre le nettoyage ethnique du peuple palestinien en toute impunité. Il est temps pour les médias de réparer le mal qu’ils ont fait. Ils devraient faire l’effort d’engager des journalistes palestiniens et de centrer les voix palestiniennes, au lieu de les effacer systématiquement de leurs propres histoires. Les innombrables images de violence documentée à l’encontre des Palestiniens ne doivent pas rester confinées aux fils des médias sociaux (qui subissent une autre forme de censure).

Au lieu de véhiculer des récits incomplets qui donnent libre cours à l’agression israélienne, les médias doivent commencer à raconter l’histoire complète.



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