Dans les camps bondés, les Palestiniens jardinent sur les toits

jeudi 11 août 2022

Des centaines de jardins ont essaimé sur les toits des camps de réfugiés palestiniens au Liban. Plantés par des ONG ou des habitants, ils servent de refuge et de potagers en temps de crise. Leur modèle est-il viable ?

JPEG - 101.4 ko Ahmad Zaazou, habitant palestinien et coordinateur de l’ONG Jafra dans le camp de Bourj al-Barajneh, au Liban. - © Philippe Pernot/Reporterre

Bourj el-Barajneh, Liban, reportage

Dans ce dédale de ruelles étroites, labyrinthiques, le ciel est caché par les milliers de câbles électriques emmêlés et par les étages successifs de bâtiments qui menacent de s’effondrer. Bienvenue à Bourj el-Barajneh, l’un des douze camps de réfugiés palestiniens au Liban, près de l’aéroport de Beyrouth. Ici, 30 000 personnes vivent sur un seul kilomètre carré : on y relève l’une des densités de population les plus élevées au monde.

Pour échapper aux ruelles suffocantes, il suffit de grimper quelques volées d’escaliers vers le ciel. Sur les toits, des oasis fleurissent. Fleurs, arbustes et cactus y côtoient tomates, concombres, aubergines, figues et herbes aromatiques plantées dans des bacs. « Ça me fait un bien fou de venir ici pour cultiver mes plantes, je les aime toutes », confie Maha Mohammad Dabdoub. « Depuis le divorce avec mon mari et le départ de mes frères vers l’Europe, je vivais recluse chez moi. Grâce à ce jardin, je me change les idées et invite mes amis, je reprends goût aux choses. »

© Gaëlle Sutton/Reporterre

Maha et plus d’une centaine d’autres personnes ont installé des jardins et potagers chez eux grâce à l’aide d’une ONG locale, Jafra. Depuis bientôt trois ans, le toit du QG de celle-ci, à Bourj el-Barajneh, sert de laboratoire d’expérimentation pour les techniques d’arrosage, de compostage et même d’élevage de poules. Le fonctionnement est simple : les habitants suivent des ateliers et des formations, puis Jafra les aide à installer chez eux les bacs, le terreau et les graines — et même des composteuses et des réserves d’eau douce.

Les « garden rooftops » — toits jardinés — ont poussé comme des champignons dans tout le pays, porté par plusieurs ONG locales et internationales ; on en recense plusieurs centaines aujourd’hui, du nord au sud. Mais le modèle n’est pas toujours viable et certains acteurs agricoles misent plutôt sur de grands jardins collectifs.

« Les potagers sur les toits aident des familles entières à se nourrir. » © Philippe Pernot/Reporterre

Ces initiatives ont en tout cas pris de l’importance depuis le début de la crise économique et sociale qui dévaste le Liban, l’une des pires au monde. Face à la dévaluation de la livre libanaise et à l’inflation, nombreux sont ceux qui ont réduit leur alimentation en fruits et légumes. « Les potagers sur les toits aident des familles entières à se nourrir en faisant des économies, et assurent un apport en vitamines », explique Patricia Van Muylder, chargée de communications auprès de Jafra. Ce que confirme Abeer Youssef el Kai, mère de cinq enfants. « On s’est nourris de la mloukhié [corète potagère] du jardin pendant tout le ramadan, et je fais des économies de 10 à 15 dollars par mois », soit un tiers du salaire minimal libanais. Son jardin lui permet également de vendre des plantes décoratives à des particuliers, via Instagram, pour s’assurer un revenu.

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