Devant la menace de génocide, les universités françaises doivent suspendre leur coopération avec les universités israéliennes

samedi 10 février 2024

Ivar Ekeland, président de l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP), a adressé deux lettres à France Universités, mettant en lumière la destruction systématique du système universitaire palestinien à Gaza par l’armée israélienne, ainsi que les pertes humaines tragiques parmi les universitaires et les étudiants. Malheureusement, ces appels n’ont pas eu l’impact escompté. Dans sa troisième lettre, Ivar Ekeland rappelle à France Universités la récente ordonnance de la Cour Internationale de Justice et souligne que, face à la menace de génocide, les universités françaises doivent prendre la décision de suspendre leur coopération avec les universités israéliennes, conformément à leur action similaire vis-à-vis des universités russes.

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Photo : Israël fait exploser l’université Al-Isra à Gaza

M. Guillaume Gellé, président de France Universités
Président de l’Université de Reims-Champagne Ardenne

Mme. Virginie Dupont, vice-présidente de France Universités
Présidente de l’Université Bretagne Sud

M. Dean Lewis, vice-président de France Universités
Président de l’Université de Bordeaux

Madame, Messieurs les Présidents,
Chers collègues,

L’AURDIP vous a écrit à deux reprises, les 10 et 17 Novembre dernier, pour attirer l’attention des universités françaises sur la destruction systématique par l’armée israélienne du système universitaire palestinien à Gaza, ainsi que sur l’hécatombe dont sont victimes universitaires et étudiants, et pour vous demander de prendre contre les universités israéliennes des mesures semblables à celles que vous avez prises si rapidement et si énergiquement contres les universités russes.

Nos lettres n’ont visiblement pas eu d’effet, et la destruction systématique du patrimoine scolaire, universitaire, culturel et religieux palestinien s’est poursuivie dans ce que l’on ne peut que qualifier d’indifférence de la part des universités françaises. Notons qu’à l’heure actuelle toutes les universités de la bande de Gaza sont détruites, sans exception aucune, et que les cimetières eux-mêmes sont attaqués. Dans Gaza, même les morts ne reposent plus en paix.

Un élément nouveau est intervenu depuis, qui rend cette indifférence dangereuse pour ceux qui la pratiquent. Le 26 janvier dernier la Cour Internationale de Justice, la plus haute instance judiciaire internationale, a rendu une ordonnancesuivant laquelle « le droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et les actes prohibés connexes visés à l’article III » de la convention de 1948 contre le génocide était menacé. La Cour a ordonné une série de mesures d’urgence, parmi lesquelles « Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza », et « Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés » par l’article II de la convention de 1948. La Cour déclare également « qu’Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza », ce qui signifie qu’en empêchant cette fourniture jusqu’à présent Israël a agi contrairement au droit international. Au-delà de ces mesures d’urgence, la Cour a ouvert une procédure contre Israël pour génocide, et rendra une décision sur le fond.

Dans l’échelle des crimes internationaux, le génocide est le plus grave que l’on puisse commettre. L’AURDIP attire de nouveau et solennellement votre attention sur les risques réputationnels et juridiques que comportent désormais la coopération avec les universités et centres de recherche israéliens : ils sont profondément impliqués dans les actions qui ont conduit la CIJ à prendre ces mesures d’urgence. On note par exemple que l’armée israélienne, dans sa destruction systématique de Gaza, utilise l’IA de manière systématique et innovante, alors qu’il s’agit de l’une des priorités de la coopération franco-israélienne, et on s’interroge sur la responsabilité des chercheurs français qui ont collaboré avec des équipes israéliennes sur le sujet. Nos précédentes lettres vous ont donné bien d’autres exemples. France-Universités souhaite-t-elle vraiment attendre le jugement de fond de la CIJ, quitte à découvrir a posteriori que des institutions françaises se sont rendues coupables de complicité de génocide ?

Nous réitérons la demande formulée dans notre lettre du 10 Novembre : devant la menace de génocide, les universités françaises doivent suspendre leur coopération avec les universités israéliennes, comme elles l’ont fait avec les universités russes.

Je vous prie d’agréer, Madame, Messieurs les Présidents, chers collègues, l’expression de mes sentiments respectueux et collégiaux

Le 7 Février 2024

Ivar Ekeland

Président de l’AURDIP
Président honoraire de l’Université Paris-Dauphine
Membre de la Société Royale du Canada et de l’Academia Europea
Membre étranger des Académies des Sciences de Norvège, de Palestine et d’Autriche

Source :AURDIP https://aurdip.org/devant-la-menace...