Entretien : Pour les Palestiniens de Gaza, la liberté n’a pas de prix
Ce mois de juin marque le quinzième anniversaire de la fermeture de la bande de Gaza par le gouvernement israélien, une décision qui bloque de facto plus de deux millions de personnes à l’intérieur d’un territoire de 40 kilomètres sur 11. Les restrictions considérables imposées par les autorités israéliennes à la circulation de personnes et de biens isolent les Palestiniens vivant sur ce territoire du reste du monde. Paul Aufiero (producteur de contenu web senior) s’entretient avec Omar Shakir (directeur pour Israël et la Palestine) et Abier Almasri (assistante de recherche senior), au sujet de leur nouveau rapport, de ce qui se passe à Gaza, et des personnes dont les vies sont ainsi perturbées.
Parlez-moi de la vie à Gaza depuis l’imposition du blocus israélien il y a 15 ans.
Omar Shakir (OS) : Le blocus touche pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne, qu’il s’agisse de la liberté de mouvement, de la possibilité de poursuivre des études ou des activités professionnelles, de se faire soigner ou de rendre visite à sa famille installée ailleurs. Le blocus a également contribué à décimer l’économie de Gaza, où 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire et où la plupart des familles sont privées d’accès à une électricité fiable, à des soins de santé de qualité et à de l’eau potable. Les autorités israéliennes interdisent à la plupart des habitants de Gaza de passer par Erez, le point de passage vers Israël, pour étudier à l’étranger, assister à des conférences ou prendre des vacances, activités que la plupart d’entre nous considèrent comme acquises. Alors qu’un touriste américain ou français peut demain monter dans un avion et visiter la vieille ville de Jérusalem, Ramallah ou d’autres parties de la Cisjordanie occupée, ce n’est pas le cas de la plupart des Palestiniens de Gaza. De nombreux jeunes, qui forment une grande partie de la population, ont le sentiment de n’avoir aucun avenir.
Abier Almasri (AA) : Les Palestiniens de Gaza ne peuvent pas décider s’ils peuvent voyager, ni où, ni à quel moment. Ceux qui ont la chance de recevoir une bourse d’études ou une offre d’emploi à l’étranger peuvent passer des mois à se préparer pour ces postes, pour ensuite se voir refuser la possibilité de quitter Gaza.
Nombre de ces opportunités de formation et de développement professionnel n’existent pas à Gaza, et les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont expliqué que ne pas pouvoir en profiter a eu un impact non seulement sur leur développement personnel ou professionnel, mais aussi sur leur santé mentale. Il s’agit de personnes motivées, instruites, qui terminent leurs études et ne voient pas d’avenir en vivant sous le blocus. Elles veulent partir et suivre une formation, ou même découvrir le monde extérieur, mais n’y parviennent pas. Quelqu’un qui s’est vu refuser à plusieurs reprises un permis de voyager a déclaré : « Il n’y a pas d’avenir à Gaza...Il n’y a qu’une condamnation à mort. »
Comment Israël justifie-t-il l’interdiction de déplacement et le maintien du blocus ?
OS : Des raisons sécuritaires justifient la fermeture aux yeux des autorités israéliennes, qui mettent en avant la montée en puissance du Hamas à Gaza en 2007. Mais Israël refuse par principe la libre circulation des personnes à Gaza, à de rares exceptions près, indépendamment de toute évaluation spécifique du risque sécuritaire posé par un individu particulier. En vertu du droit international relatif aux droits humains, les Palestiniens ont droit à la liberté de circulation, en particulier à l’intérieur du territoire palestinien occupé, qu’Israël ne peut restreindre que pour des motifs limirés, par exemple en réponse à des menaces spécifiques et concrètes sur le plan sécuritaire. Ces restrictions générales ne répondent manifestement pas à cette exigence.
Comment fonctionne l’interdiction de voyager ? Les gens ont-ils la possibilité de se rendre en dehors de Gaza ?