Guerre en Ukraine : l’Europe est-elle vraiment plus civilisée ?
Le 8 mai 1945, alors que le monde occidental célébrait la fin de l’horreur nazie, les Algériens voulaient participer à cette liesse, en brandissant le drapeau national et revendiquant leur droit à l’autodétermination.
Ils en payèrent un lourd tribut. Rien ne leur fut épargné : fours à chaux du colon Marcel Lavie à Héliopolis, où furent incinérés des dizaines de cadavres abattus sauvagement par les gendarmes, l’armée, la police et les milices, brutalités bestiales, exécutions sommaires, chasses à l’homme à Sétif, à Guelma, à Kherrata et dans d’autre régions du territoire. 45.000 Algériens, voire davantage, furent massacrés impitoyablement.
Photo : Archives
Par Ramzy Baroud
Lorsqu’une vidéo macabre de six minutes montrant des soldats ukrainiens en train de torturer des soldats russes menottés et attachés et de leur tirer dessus, a circulé en ligne, des personnes se sont indignées sur les médias sociaux et ailleurs et ont comparé ce comportement barbare à celui de Daesh.
Dans une rare démonstration de probité morale, Oleksiy Arestovych, un conseiller du président ukrainien, a tout de suite rappelé aux combattants ukrainiens leur responsabilité au regard du droit international. “Je voudrais rappeler à toutes nos forces militaires, civiles et de défense, une fois de plus, que les abus commis contre des prisonniers sont des crimes de guerre qui ne peuvent pas être amnistiés et qui sont imprescriptibles en vertu du droit militaire “, a-t-il déclaré, ajoutant : “Nous sommes une armée européenne”, comme si cela était synonyme de comportement civilisé.
Cet appel à la responsabilité est, par lui-même, l’expression d’un racisme subtil, puisqu’il suggère que, si les non-Occidentaux et les non-Européens sont capables de se livrer à des violences aussi macabres et lâches, ce n’est certainement pas le cas des Européens, des êtres plus rationnels, plus humains et intellectuellement supérieurs.
Cet appel, bien que de manière moins évidente, nous rappelle les remarques racistes du correspondant étranger de CBS News, Charlie D’Agata, le 26 février, lorsqu’il a comparé, sans honte, les villes du Moyen-Orient à la capitale ukrainienne, Kiev, en disant : “Contrairement à l’Irak ou à l’Afghanistan, (…) c’est une ville relativement civilisée, relativement européenne”.
La guerre Russie-Ukraine a été le théâtre de commentaires et de comportements racistes, certains explicites et manifestes, d’autres implicites et indirects. Le Premier ministre bulgare Kiril Petkov, par exemple, n’a pas mâché ses mots lorsque, en février dernier, il a abordé la question des réfugiés ukrainiens.
L’Europe peut tirer profit des réfugiés ukrainiens, a-t-il déclaré, car : “Ces gens sont des Européens. (…) Ils sont intelligents, ils sont éduqués. Ce n’est pas comme les vagues de réfugiés habituelles, des gens dont nous n’étions pas sûrs de l’identité, des gens au passé trouble, qui auraient même pu être des terroristes.”
L’un des nombreux autres épisodes révélateurs du racisme occidental, mais aussi du déni continuel de son existence même, est une interview réalisée par le journal italien La Repubblica avec le commandant ukrainien du bataillon Azov, Dmytro Kuharchuck.
Il est bien connu que ce bataillon revendique des idées d’extrême-droite, fait preuve d’un racisme éhonté, et se livre à des violences extrêmes. Pourtant, le journal décrit Kuharchuck comme : “Le genre de combattant auquel on ne s’attend pas. Il lit Kant et n’utilise pas que son bazooka.” Si cela n’est pas du déni pur et simple, alors qu’est-ce que c’est ?