Israël-Palestine et les passerelles musicales de Daniel Barenboim
Avec son orchestre Divan et l’engagement de toute sa vie en faveur de la paix, Barenboim démontre depuis longtemps ses qualités d’humaniste doué d’une vision audacieuse de la place de la musique dans le monde.
Dans sa longue et illustre carrière, Daniel Barenboim a obtenu la rare distinction de demeurer au sommet de son art à la fois en tant que pianiste et en tant que chef d’orchestre. Il est largement considéré comme l’un des plus grands musiciens du dernier demi-siècle. Mais il est aussi l’un des plus grands personnages publics du monde, avec des contributions uniques au progrès de l’éducation musicale et dans l’exploration de chemins vers la paix dans l’un des conflits internationaux les plus âpres et les plus inextricables des temps modernes.
Sa récente annonce comme quoi il se retirerait de toute performance publique, au moins temporairement, à cause d’une affection neurologique, a été un choc pour ses nombreux admirateurs. Le Guardian a écrit dans son éditorial du 10 octobre 2022 que son rôle en tant que musicien et en tant que personnage public était inséparable. « Il est dans la tradition d’Arturo Toscanini, Pablo Casals et Yehudi Menuhin en tant que géant de la musique classique qui est également un penseur et un repère moral. Dans la période contemporaine, il n’y a eu personne qui puisse lui être comparé. »
Barenboim pensait que la musique serait un merveilleux moyen pour rassembler les gens, parce qu’on ne peut être un musicien tiède – la musique exige une implication et un effort passionnés.
Parallèlement à son engagement dans la pratique de la musique, Barenboim a fait la démonstration de ses qualités d’humaniste avec une vision audacieuse de la place de la musique dans le monde. « L’harmonie dans les relations personnelles et internationales », a-t-il remarqué, « ne peut exister qu’en écoutant, chaque partie ouvrant ses oreilles au récit ou au point de vue de l’autre ». L’une de ses entreprises les plus novatrices a été d’amener la musique dans le combat sur le conflit entre Israël et ses voisins.
En 1999, Barenboim et Edward Saïd, critique littéraire et intellectuel public palestinien, ont créé le West-Eastern Divan Orchestra (Wedo). L’œuvre déterminante de la carrière de Saïd, L’Orientalisme, a été une critique fondatrice des perceptions du Moyen Orient par l’Europe. L’orchestre a cherché à promouvoir le dialogue entre les différentes cultures du Moyen Orient grâce à l’expérience qui consiste à jouer ensemble de la musique.
Comme il l’a expliqué dans son autobiographie, Une Vie en Musique, Barenboim pensait que la musique serait un merveilleux moyen pour rassembler les gens parce qu’on ne peut être un musicien tiède – la musique exige un investissement et un effort passionnés.
Le premier groupe de musiciens israéliens, palestiniens et autres arabes s’est réuni pour une session intensive de trois semaines à Weimar, en Allemagne. Cette session n’aurait pas été possible en Israël ni aucun pays arabe ; elle avait besoin d’un territoire neutre. A Weimar, a écrit Barenboim dans son autobiographie : « Que vous soyez d’Israël ou de Palestine n’a aucune importance, ni que vous soyez arabe ou juif. A Weimar, un Israélien et un Arabe qui ne se connaissent absolument pas, ou même qui se haïssent, partageraient le même pupitre et joueraient ensemble les mêmes notes – avec la même dynamique, avec la même attaque, avec le même vibrato. »
Stimulez vous et enrichissez vous mutuellement
L’orchestre doit son nom à une anthologie de poèmes de Goethe, œuvre centrale pour le développement du concept de culture mondiale. En 2002, le Gouvernement Régional d’Andalousie a fourni une base permanente pour l’école d’été annuelle de l’ensemble à Séville, en Espagne. Depuis lors, de jeunes musiciens d’Espagne ont également pris part à cet orchestre de 100 musiciens. Cet orchestre unique répète tous les étés à Séville, puis part pour une tournée mondiale. Sa tournée de 2005 a compris une performance remarquable dans la ville palestinienne de Ramallah. Pour beaucoup de jeunes Palestiniens, ce fut la première fois qu’ils voyaient un Israélien qui n’était pas un soldat.
L’Andalousie, encore plus que Weimar, est un endroit qui convient bien à cet orchestre parce que, au Moyen Age, elle a fourni un premier exemple, voire un modèle, de Musulmans, Chrétiens et Juifs vivant ensemble en paix et en harmonie. L’histoire de l’Andalousie a montré que Juifs et Arabes peuvent coexister et, même plus, s’inspirer et s’enrichir mutuellement.