Israël-Palestine : il n’y a pas « escalade » mais apartheid

jeudi 5 mai 2022

Le 15 avril dernier, les forces armées israéliennes ont pris d’assaut la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem, troisième « lieu saint » de la religion musulmane. Bilan : environ 150 blessés et 500 arrestations. « Crise », « regain », « escalade », « retour » : le champ lexical de l’irruption, largement mobilisé pour couvrir l’actualité du « conflit israélo-palestinien », brouille pourtant la vue d’ensemble. Amnesty International rappelait ainsi, deux mois plus tôt, que « les autorités israéliennes ont progressivement créé un système d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien dans son ensemble ». Et un rapporteur spécial de l’ONU d’entériner peu de temps après. Dans ce texte que nous traduisons, paru il y a trois jours dans le média Tribune, Ryvka Barnard, directrice adjointe palestino-britannique de l’organisation Palestine Solidarity Campaign, replace l’évènement dans son « contexte général ».

Cette semaine, les Palestiniens du monde entier ont surveillé avec une certaine nervosité leurs télévisions, leurs groupes WhatsApp et leurs réseaux sociaux, tandis que les forces armées israéliennes intensifiaient leurs attaques sur une Jérusalem occupée (dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa et dans la ville), en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et alors que les colons israéliens se déchaînaient en zones palestiniennes. Dans tous les esprits, une seule et même question : allons-nous assister à une répétition de la guerre menée au printemps dernier contre les Palestiniens ? Ces attaques vont-elles continuer à s’intensifier ? Est-il d’ailleurs exact de faire état d’une « escalade » alors que ces derniers mois, ces dernières années, ces dernières décennies, nous assistons en réalité à une augmentation constante des attaques violentes à l’encontre des Palestiniens, ainsi qu’à une colonisation et une appropriation des terres toujours plus poussées ? Un ami palestinien m’a dit cette semaine : « Nous parlons d’"escalades" mais nous ne savons pas où s’achève l’une et où commence la suivante. » Si l’évolution de la situation actuelle est incertaine, il est essentiel de garder à l’esprit le contexte général, et ce quelle que soit la tournure des évènements.

Israël prend régulièrement pour cible les sites religieux et culturels palestiniens

Les attaques d’Israël menées dans l’enceinte d’al-Aqsa la semaine passée ont été particulièrement dévastatrices, d’autant qu’elles ont eu lieu durant le Ramadan, suscitant un grand désarroi. Mais il faut appréhender la situation actuelle dans un cadre plus large : les assauts israéliens contre les sites et les pratiques palestiniennes, qu’elles soient religieuses, culturelles et nationales, sont permanents. L’accès des Palestiniens à al-Aqsa est régulièrement bloqué par les forces israéliennes, par le biais de fermetures autour du complexe lui-même et, plus largement, par des restrictions à la circulation des Palestiniens. Mais ces mesures ont également un impact sur les chrétiens palestiniens qui habitent dans la bande de Gaza et qui se voient refuser l’accès à Jérusalem et à Bethléem pour Noël, ou encore pour la Pâque orthodoxe de ce week-end, les autorités israéliennes ayant l’intention de limiter l’accès aux lieux saints. Ces dernières années, le gouvernement israélien a inondé la presse internationale de récits sur la façon dont il accordait « généreusement » des permis aux Palestiniens afin qu’ils puissent se rendre à Jérusalem pour les fêtes. Or, ce qui est important, c’est qu’Israël bloque les déplacements des Palestiniens : pourquoi devraient-ils avoir besoin d’un permis pour accéder à leurs propres sites religieux et culturels, dans leur propre patrie ?

Sami Abu Shehadeh, un homme politique palestinien, l’a très justement dit cette semaine : « Nous possédons nos mosquées et nos églises, nous possédons chaque pierre que nous avons héritée de nos ancêtres et nous continuerons à célébrer nos traditions — quels que soient les projets de ceux qui soutiennent un régime d’apartheid déployé de la rivière à la mer. » Car Israël ne limite pas seulement la circulation des Palestiniens à l’intérieur de ses frontières. La majorité du peuple palestinien vit en exil, en tant que réfugiés, et se voit refuser tout accès à sa terre. Les Palestiniens en exil, toutes confessions confondues, sont tenus à l’écart de leur patrie alors que des milliers de touristes étrangers affluent dans le pays pour y passer des vacances — un atout financier certain pour l’industrie touristique israélienne. Les nombreux lieux saints de Palestine ne sont pas seulement destinés à la pratique religieuse : ils font partie du patrimoine national de la Palestine. Le poète palestinien Mohammed El-Kurd l’évoquait récemment lors d’un entretien, se remémorant le temps qu’il passa dans la cour d’al-Aqsa à réviser ses examens scolaires.

Les attaques contre les sites religieux palestiniens font partie de l’assaut colonial contre l’espace public et l’identité nationale palestiniens, de la même manière qu’Israël cible les musées et les théâtres palestiniens via des fermetures et des attaques. Ces actions relèvent d’une tentative de séparer les Palestiniens de leur patrimoine et de leur histoire, afin de faire en sorte que même leur participation à la vie culturelle publique relève d’une lutte.

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