L’Égypte tergiverse, sans toucher à sa relation avec Israël

mercredi 6 mars 2024

Depuis le 7 octobre, l’Égypte brille par son silence sur la situation à Gaza. En plus d’une faible mobilisation de la rue et des médias, le Caire semble accepter le diktat israélien sur la limitation des entrées et des sorties des aides et des personnes par Rafah. Bien qu’une opération militaire terrestre semble se dessiner dans le sud de la bande, il y a peu de chance que le régime du président Abdel Fattah Al-Sissi monte au créneau.

Orient 21, Gaza, 28 février 2024
Chérif Ayman, Chercheur et journaliste égyptien.

Bien que la guerre lancée par Israël contre la bande de Gaza soit la plus violente depuis son retrait en 2005, l’Égypte - seul pays ayant des frontières avec l’enclave palestinienne - n’a pas haussé le ton dans ses déclarations, sauf lorsqu’il a été question du déplacement des Palestiniens vers le Sinaï. Ce changement a été perçu dans les milieux non officiels à l’approche du lancement d’une opération terrestre contre Rafah et de l’occupation de l’axe de Salah Al-Din – ou route de Philadelphie1.
Depuis le début des bombardements israéliens sur la bande de Gaza, l’Égypte a maintenu la même position qu’au cours de la décennie du régime du président Abdel Fattah Al-Sissi (voir l’encadré à la fin de l’article). Ainsi, les points de passage côté égyptien ont été fermés aux personnes et aux aides. C’est ce qu’a révélé le président américain Joe Biden, affirmant que son échange avec Sissi a conduit à l’ouverture de ces points de passage, chose que le président égyptien s’est empressé de démentir. En réalité, l’aide autorisée par Israël demeure extrêmement limitée. Elle ne suffit pas pour mettre fin à la famine dans la bande de Gaza, ni pour assurer les services sanitaires de base pour les malades et venir en aide aux déplacés.
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Un « médiateur neutre »
De nombreux témoignages palestiniens ont fait état de sommes mirobolantes demandées par une société considérée comme une façade de l’appareil de sécurité égyptien, afin de permettre aux Palestiniens de passer la frontière et d’échapper à l’enfer des bombardements. Le montant demandé aux Gazaouis s’élèverait aux alentours de 9 000 dollars. Ces accusations ont été rejetées par Dia’ Rachwan, le chef du Service d’information de l’État, qui représente l’organe de communication officiel et des relations publiques de l’État.
Durant les années du président Hosni Moubarak, nous étions quelques milliers de personnes à préparer l’aide lors de chaque attaque israélienne contre la bande de Gaza, et à nous organiser pour accueillir les blessés dans les hôpitaux du Caire ou d’ailleurs, et permettre au public de leur rendre visite sans restriction. Malgré les critiques qui ont ciblé Moubarak concernant la relation de son régime avec les Palestiniens, la décision d’ouvrir le passage de Rafah a alors été une décision égyptienne, indépendante d’Israël.
Le général Nasr Salem, ancien chef du service de reconnaissance du renseignement militaire, explique ce changement de positions par le fait que « les États-Unis fournissent une couverture politique internationale à Israël, ce qui empêche tout pays de l’attaquer », illustrant son propos par les attaques américaines en Irak et au Yémen. Il estime ainsi que :
L’Égypte joue un rôle de médiateur neutre car si elle prend position, Israël empêchera l’aide d’entrer à Gaza, ou rejettera la médiation égyptienne. La perte sera donc plus importante pour les Palestiniens que pour l’Égypte. C’est pourquoi le Caire accepte de ne pas pouvoir en faire davantage, car l’alternative est la guerre, autrement dit combattre les États-Unis et l’OTAN.
Pour lui, le régime égyptien ressemble à « celui qui tient l’eau dans sa main : s’il ferme le poing, il perd tout ».
Le poids des accords de Camp David

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