L’écrivain palestinien Walid Daqqa meurt en détention en Israël, après trente-huit ans de prison
La dépouille de l’activiste, qui souffrait d’un cancer, est toujours retenue par les autorités israéliennes. Quinze Palestiniens sont morts en prison en Israël depuis le 7 octobre 2023.
Manifestation en solidarité avec le prisonnier Walid Abu Daqqa et les prisonniers détenus dans les prisons israéliennes, à Ramallah (Cisjordanie), le 26 août 2023. AHMAD AROURI/IMAGO VIA REUTERS
Walid Daqqa n’a jamais pu sortir du « lieu sans porte », expression qu’il utilisait pour évoquer la prison, dans ses discussions avec sa fille, Milad, aujourd’hui âgée de 4 ans. L’écrivain palestinien, citoyen d’Israël, y a passé trente-huit ans et y est mort, dimanche 7 avril, à 62 ans. Il souffrait d’une rare forme de cancer de la moelle osseuse, diagnostiquée en décembre 2022. L’an dernier, la justice israélienne avait rejeté sa demande de libération anticipée pour raisons de santé. Depuis le 7 octobre 2023, Walid Daqqa « a été torturé, humilié, privé de visites de sa famille et négligé encore plus qu’avant sur le plan médical. Entre-temps, il a été hospitalisé à deux reprises en raison d’une dégradation de son état de santé », alertait en mars l’ONG Amnesty International, demandant sa libération. Il n’a vu son avocat qu’une seule fois en six mois.
Lundi, son frère, Assa’ad Daqqa, a expliqué au journal en ligne Arab 48 que sa dépouille n’avait pas été rendue à la famille, sur ordre du ministre de la sécurité nationale, le suprémaciste juif Itamar Ben Gvir. Ce dernier a écrit sur X dimanche soir qu’il regrettait que Walid Daqqa soit mort naturellement et qu’il aurait préféré le voir condamné à « la peine de mort pour les terroristes ». La police israélienne avait interdit tout rassemblement funéraire et a brutalement dispersé les visiteurs venus présenter leurs condoléances au domicile du défunt à Baqa al-Gharbiyye, dans le centre d’Israël. Cinq personnes ont été arrêtées pour « agression contre un representant des forces de l’ordre », a fait savoir un porte-parole de la police.
Walid Daqqa aurait pourtant dû mourir en liberté : il avait purgé sa peine initiale. Arrêté le 25 mars 1986, il avait été condamné l’année suivante à la perpétuité, par un tribunal militaire israélien, pour son appartenance à une cellule armée palestinienne, responsable de l’enlèvement et du meurtre d’un soldat israélien, Moshe Tamam, en 1984. Walid Daqqa n’était pas présent au moment du kidnapping et n’a pas été condamné pour assassinat. En 2012, sa perpétuité a été ramenée à trente-sept ans – il aurait dû sortir en mars 2023. Mais en 2018, il a été condamné à deux ans de détention supplémentaires pour avoir fait passer des téléphones portables au sein de la prison.
Depuis le 7 octobre 2023, quinze Palestiniens sont morts en cellule en Israël, selon le Club des prisonniers palestiniens. Vingt-sept autres détenus gazaouis sont décédés dans des camps de détention ad hoc, ouverts dans le sillage de la guerre à Gaza, dont rien ne filtre et où l’armée enferme une partie de ceux qu’elle arrête dans l’enclave palestinienne, hors de tout cadre légal. Dans un courrier adressé aux autorités israéliennes et révélé par le journal Haaretz le 4 avril, un médecin qui travaille dans l’hôpital de campagne de l’un de ces camps, dans le sud d’Israël, révélait que les détenus y sont nourris avec des pailles, défèquent dans des couches et sont constamment entravés.
Incarcération de masse
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Source : LE MONDE (Par Clothilde Mraffko)