La brutalité de refuser de l’eau aux Palestiniens dans les collines du sud d’Hébron

samedi 16 octobre 2021

Depuis 15 ans, je suis témoin de la façon dont l’armée israélienne prive les communautés palestiniennes de l’accès à l’eau afin de les expulser et de prendre leurs terres.

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Abu Hani et sa famille vivent à seulement deux kilomètres de la colonie israélienne d’Avigayil, dans les collines occupées du sud d’Hébron. Mais contrairement aux habitants d’Avigayil, qui sont reliés au réseau national d’eau d’Israël, Abu Hani et ses enfants en sont empêchés. Non seulement ils ne reçoivent pas une goutte de Mekorot, la compagnie nationale des eaux israélienne, mais les autorités israéliennes leur interdisent également d’entretenir des citernes pour stocker l’eau de pluie, comme ils le faisaient avant qu’Israël ne prenne le contrôle de la région.

Abu Hani, comme de nombreux autres soutiens de famille palestiniens dans les collines du sud d’Hébron, est obligé de parcourir de grandes distances et de payer des prix exorbitants pour remplir un récipient rouillé qui fournira de l’eau à sa famille.

Il n’est pas le seul. Selon le groupe de défense des droits de l’homme B’Tselem, les Palestiniens des collines du sud d’Hébron achètent de l’eau transportée par des camions qui viennent généralement de la ville palestinienne voisine de Yatta, et paient souvent plus de quatre fois le prix de l’eau à usage résidentiel en Israël. Ces prix élevés signifient que les Palestiniens peuvent dépenser jusqu’à un tiers de leur revenu mensuel en eau. En comparaison, en Israël, la famille moyenne ne consacre que 1,3 % de son revenu mensuel à l’eau.

En raison de l’absence d’infrastructures locales d’approvisionnement en eau pour les Palestiniens, la consommation quotidienne moyenne d’eau par habitant parmi les résidents palestiniens de Cisjordanie est de 28 litres par habitant et par jour, alors que la consommation dans les colonies israéliennes du sud des collines d’Hébron est de 211 litres par habitant et par jour. Ce niveau de consommation est similaire à celui des zones de crise humanitaire dans le monde, comme le Darfour, selon B’Tselem.

Refuser l’eau aux Palestiniens des collines du sud d’Hébron est l’une des nombreuses méthodes brutales utilisées pour expulser la population locale afin de prendre ses terres et de les remettre aux colons juifs.

Cette brutalité, bien sûr, ne peut être appliquée sans la présence d’une armée d’occupation. J’en ai été témoin la semaine dernière lorsque 50 militants israéliens, dont les membres de la Knesset Mossi Raz (Meretz) et Ofer Cassif (Joint List), ont accompagné Abu Hani et son camion-citerne du village d’A-Tuwani à la communauté d’Al-Mugafara, où il vit.

Alors que nous marchions sur la route principale, une ambulance de l’armée est soudainement passée devant nous. Nous lui avons poliment laissé le passage, mais alors qu’elle nous dépassait, l’ambulance s’est arrêtée, a bloqué la route et un groupe de soldats armés en est sorti. En quelques minutes, d’autres jeeps de l’armée sont arrivées.

Les soldats nous ont attaqués, ont lancé des gaz lacrymogènes et ont essayé de nous empêcher de distribuer l’eau. L’un des manifestants a été violemment jeté au sol, et blessé par un officier israélien. Un autre manifestant a été jeté à terre, après quoi un soldat s’est agenouillé sur son cou. Six manifestants ont été arrêtés et détenus pendant sept heures.

En tant qu’activiste dans la vallée du Jourdain occupée depuis 15 ans, j’ai été témoin de cette injustice au quotidien. Des milliers de Palestiniens de la région n’ont pas accès à l’eau sous des températures qui peuvent atteindre 40 degrés Celsius en été. Les familles palestiniennes doivent traverser tous les trois jours les zones de tirs réels des FDI (qui s’étendent sur 46 % de la vallée du Jourdain) pour apporter de l’eau dans des conteneurs rouillés, au prix de 1 700 NIS (530 dollars) par mois.

Souvent, l’armée confisque ou détruit les conteneurs, laissant des familles entières sans une goutte d’eau pendant de longues périodes, comme ce fut le cas dans le hameau de Khirbet Humsa ou de Ras a-Tin au plus fort de la chaleur estivale de juillet. D’autres fois, si les Palestiniens décident d’acheter leur eau à l’Autorité palestinienne, l’armée détruit leurs canalisations.

Les colons eux-mêmes jouent également un rôle actif dans le sabotage de l’eau. Au cours des deux dernières années, ils ont bouclé deux sources dans la région, empêchant les bergers palestiniens locaux d’abreuver leurs troupeaux.

De nombreux Palestiniens de la vallée du Jourdain qui dépendent de l’agriculture installent des conduites d’eau de fortune et se raccordent au réseau national d’eau de manière indépendante. Cependant, en l’absence de permis de construire, ces installations sont considérées comme "illégales" et les autorités israéliennes peuvent les démolir à tout moment. L’administration civile - qui gère les affaires quotidiennes des millions de Palestiniens sous occupation - rejette plus de 98 % des demandes de permis de construire palestiniens dans la zone C, où se trouvent la vallée du Jourdain et les collines du sud d’Hébron, tout en procédant régulièrement à des démolitions pour de prétendues violations des règles de planification et de construction.

L’eau est un acquis pour la plupart des Israéliens juifs, quel que soit le côté de la ligne verte où ils vivent. Les Palestiniens de la vallée du Jourdain et des collines du sud d’Hébron doivent lutter chaque jour pour obtenir la moindre goutte d’eau pour eux-mêmes et leurs familles. Depuis 54 ans, les autorités israéliennes, par le biais d’une armée de plus en plus brutale, privent les Palestiniens vivant sous occupation de ce droit dans le cadre de ses efforts pour expulser une population civile autochtone de ses terres, simplement parce qu’elle n’appartient pas au bon groupe ethnique ou religieux. C’est le pire de l’apartheid.

Traduction : AFPS