La responsabilité communautaire, une alternative au système policier en Palestine
Par Yara Hawari
Les systèmes policiers et carcéraux israéliens et palestiniens ont dévasté la société palestinienne. Comment la société civile palestinienne peut-elle adopter des processus de responsabilité communautaire et de justice transformatrice éloignés des institutions étatiques et de la justice punitive ? Yara Hawari, analyste principale pour Al-Shabaka, explore cette question et propose des recommandations à la société civile palestinienne et à la communauté internationale des donateurs pour susciter et soutenir ces changements cruciaux.
Les communautés bédouines palestiniennes sont victimes d’une discrimination systématique depuis la création de l’État d’Israël - Photo : ActiveStills.org
De nombreuses communautés à travers le monde, en particulier les personnes de couleur, les communautés queer et les classes ouvrières, remettent en question depuis des décennies l’idée salon laquelle les institutions policières et de justice étatique seraient des forces du bien. Leurs expériences révèlent au contraire une violence systématique de la part de ces institutions étatiques.
En conséquence, ils affirment que ces institutions ne fournissent pas et ne peuvent pas fournir le niveau de justice nécessaire à la guérison des survivants et des victimes de préjudices, ainsi que de la communauté au sens large. [1]
Le mouvement Black Lives Matter a mis la contestation des systèmes de police et de justice étatique au premier plan dans les médias grand public. Le mouvement abolitionniste, prônant la disparition des systèmes policier et carcéral et l’adoption d’alternatives dirigées par la communauté, a notamment gagné du terrain. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un mouvement monolithique, cet abolitionnisme repose sur plusieurs principes, notamment la reconnaissance du fait que les systèmes policier et carcéral consacrent l’oppression coloniale, raciale, de classe et de genre d’une manière souvent inégalée par d’autres systèmes.
En outre, l’abolitionnisme reconnaît que l’incarcération en réponse à des préjudices et à des injustices ne s’attaque guère aux causes profondes.
Ces principes fondamentaux démontrent que la responsabilité communautaire et la justice transformatrice sont de meilleures alternatives pour répondre aux préjudices et aux actes de violence. De nombreux activistes du mouvement abolitionniste défendent ainsi un retrait des financements accordés à la police et privilégient l’affectation de ressources à des initiatives communautaires, sanitaires et éducatives.
En Palestine colonisée, le régime carcéral israélien a dévasté la société palestinienne et cette question unit indéniablement les Palestiniens. Cependant, cette unité ne s’est pas encore traduite par une contestation plus large des systèmes policiers et carcéraux.
En effet, de nombreux Palestiniens font une distinction claire entre les « prisonniers politiques » – ceux qui sont accusés d’« atteinte à la sécurité » par le régime israélien – et les « prisonniers criminels ». L’un des résultats de cette différenciation entre les prisonniers politiques et non politiques est le sous-entendu selon lequel les causes profondes des « crimes » ne sont pas politiques.
Pourtant, ce caractère « criminel » comporte des connotations profondément politiques, et comme l’affirme Randa Wahbe, analyste politique pour Al-Shabaka, nous devons comprendre que « tous les prisonniers sont politiques ». Ce faisant, nous créons un espace pour imaginer un avenir radicalement différent, un avenir dans lequel tous les systèmes carcéraux n’ont pas leur place dans la société.
Ce dossier politique vise non seulement à contribuer à l’appel mondial en faveur d’un monde sans prisons, mais aussi à ouvrir des pistes de réflexion au-delà des systèmes policiers et carcéraux, notamment en explorant des formes alternatives de responsabilité et de justice en Palestine colonisée.
Partant du principe que ce travail doit se faire en dehors des institutions de police et de justice en Palestine, ce dossier propose des recommandations aux acteurs de terrain palestiniens et à la société civile palestinienne pour mettre en pratique la responsabilité communautaire et la justice transformatrice. Il donne également des recommandations à la communauté internationale des donateurs pour minimiser les préjudices.