Le 15 mars, le plus haut tribunal d’Israël décidera s’il faut expulser 1300 de mes voisins
Par Basil al-Adraa
Lorsque j’avais trois ans, les soldats israéliens ont traversé mon village en vue d’expulser mes voisins par la force, arrêtant tous ceux qui tentaient de rester. Dans le village d’at-Tuwani (au sud des collines d’Hébron du gouvernorat d’Hébron), où je suis né et où j’ai grandi, les soldats nous ont laissés en paix, mais plus de 700 autres personnes sont devenues des réfugiés en un clin d’œil. C’était en 1999, suite à une décision du Premier ministre de l’époque, Ehoud Barak. L’armée a démoli 14 des villages environnants dans la région de Masafer Yatta, dans les collines du sud d’Hébron, situées en Cisjordanie occupée.
Cette expulsion massive a été traumatisante et, à bien des égards, elle est restée gravée dans ma vie d’adulte. L’armée a justifié notre nettoyage ethnique en disant que nos maisons se trouvaient dans la zone de tir 918, où les soldats étaient censés s’entraîner. Mais c’est faux. Dans les années 1980, la zone de tir a été déclarée au-dessus de nos villages où nous vivions depuis des décennies, afin de nous en expulser.
Lorsque j’avais quatre ans, mes voisins expulsés ont adressé une pétition à la Haute Cour, qui a émis une ordonnance temporaire leur permettant de retourner chez eux – jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise. Vingt-deux ans ont passé, et la Cour n’a jamais décidé de notre sort. Nous avons grandi dans l’ombre de l’attente d’une décision : vont-ils expulser les personnes que j’aime et que je connais le mieux, ou non ? Le mardi 15 mars, la Cour doit tenir sa dernière audience sur la question. Elle prendra ensuite une décision.
Le sort de huit villages et de 1300 personnes est une fois de plus à l’ordre du jour. En tant que Palestiniens vivant sous l’occupation militaire d’un envahisseur étranger, nous n’avons pas le droit de décider de notre sort. Ce sentiment – celui d’être contrôlé par d’autres – imprègne chaque aspect de notre vie ici, chaque jour.
Au cours des 22 dernières années, j’ai vu l’armée tenter de briser ma communauté. Elle nous a dépossédés de nos terres, lentement, tout en rasant presque tout sur son passage – maisons, panneaux solaires, puits.
J’ouvre mon ordinateur, dont le disque dur est rempli d’images prises par ceux qui ont connu ce sort avant moi. Il y a des photos et des vidéos qui documentent des dizaines et des dizaines de formes d’expulsion. Des familles dont les maisons ont été démolies à plusieurs reprises. Puis viennent les photos de voisins qui, au milieu de la nuit, rassemblent des parpaings, des sacs de sable et des panneaux de tôle dans leurs tracteurs afin de reconstruire les maisons de ceux qui sont devenus sans abri.