Le fossé des valeurs : Les élections en Israël devraient être un signal d’alarme pour l’Occident
Les valeurs partagées n’expliquent ni ne justifient la nature extraordinaire de la relation américano-israélienne, étant donné que les valeurs les plus importantes ne sont pas partagées.
Source : The National Interest, Paul R. Pillar
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
La perspective de l’entrée de personnalités politiques ouvertement extrémistes dans un nouveau gouvernement israélien provoque la consternation de ceux qui, aux États-Unis, veulent préserver la relation extraordinairement privilégiée qu’Israël entretient avec les États-Unis. Les partis politiques israéliens qui attirent l’attention sont Religious Zionism et Jewish Power, qui se sont alliés lors des récentes élections en Israël pour former ce qui est maintenant le troisième bloc le plus important à la Knesset et le deuxième plus important dans le futur gouvernement que Benjamin Netanyahu est en train de former, dépassé seulement par le Likoud de Netanyahu.
Le leader du Religious Zionism, Bezalel Smotrich, s’est distingué par des positions telles que le fait d’applaudir les promoteurs immobiliers qui n’ont pas respecté l’égalité des chances dans la construction de maisons, de dire que « Dieu a ordonné aux Juifs de ne pas vendre de maisons aux Arabes » et de préconiser la ségrégation des maternités afin de séparer les femmes juives et arabes. Il a déclaré aux membres arabes de la Knesset : « Vous êtes ici par erreur, c’est une erreur que [David] Ben-Gourion n’ait pas fini le travail et ne vous ait pas jeté dehors en 1948. »
Le leader du Jewish Power, Itamar Ben-Gvir, est encore plus extrême que Smotrich, du moins dans ses méthodes si ce n’est dans sa substance. L’activité politique de Ben-Gvir a débuté avec Kach, le parti que le rabbin Meir Kahane a créé et qui a été dénoncé et étiqueté par plusieurs pays – y compris les États-Unis et Israël lui-même – comme un groupe terroriste. Ben-Gvir considère toujours Kahane comme son modèle et son héros politique. Jusqu’à récemment, Ben-Gvir affichait chez lui un portrait de Baruch Goldstein, le terroriste qui a tué vingt-neuf fidèles palestiniens et en a blessé 125 autres lors d’un massacre dans une mosquée d’Hébron en 1994. Ben-Gvir a été condamné pour incitation au terrorisme et au racisme et dans sa jeunesse, il a été exclu de l’armée israélienne en raison de son extrémisme.
Le Religious Zionism et le Jewish Power sont susceptibles de convertir leur force politique en quelque chose comme deux sièges ministériels pour chacun dans le nouveau gouvernement. Ben-Gvir veut le portefeuille de la Sécurité publique pour lui-même, et il y a de bonnes chances qu’il l’obtienne. Un équivalent aux États-Unis serait que quelqu’un qui a admiré et s’est associé à des terroristes, qui a affiché une haine flagrante envers une minorité ethnique et qui a été condamné pour des crimes liés au terrorisme et au racisme, devienne le secrétaire américain à la Sécurité intérieure.
Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, déplore le résultat des élections israéliennes et le rôle potentiel du Religious Zionism et du pouvoir juif, dans une chronique intitulée « L’Israël que nous connaissions a disparu ». Mais quel était exactement l’Israël que nous « connaissions » avant ces dernières élections ? Peut-être pouvons-nous prendre exemple sur certains Palestiniens qui, en dépit de tout ce qui est effrayant dans ce que représentent Smotrich et Ben-Gvir, ne voient guère de différence avec ce qu’ils connaissent déjà au quotidien en vivant sous la domination israélienne.
L’une des positions anti-palestiniennes extrêmes de Ben-Gvir, par exemple, est de préconiser une immunité générale pour les soldats israéliens qui tirent sur des Palestiniens. Mais cela ne représenterait aucun changement de facto par rapport au statu quo, dans lequel les soldats qui tuent des civils palestiniens innocents ne sont presque jamais punis, et ce n’est que lorsque la vidéo d’un incident devient publique qu’ils se font taper sur les doigts.