Les chiffres clés de la colonisation
La Plateforme Palestine publie les chiffres-clés de l’année 2023 sur la colonisation israélienne en Territoire palestinien occupé.
Population
Fin 2021, l’ONG israélienne B’Tselem comptaient environ 280 colonies et avant-postes, tout aussi illégaux, (en excluant Jérusalem-Est des statistiques), dont 138 étaient officiellement reconnues par le gouvernement israélien. En mars 2022, selon les Nations Unies, le nombre de colons israéliens atteignait 710 000 (Jérusalem-Est compris).
Le taux de croissance de la population des colons a augmenté de 42% par rapport à 2010 et a augmenté de 222 % entre 2000 et 2021.
Beaucoup de colons israéliens sont des colons dits « économiques » attirés par le faible coût de l’immobilier dans les colonies et les aides de l’Etat pour s’y installer (qui peuvent représenter des centaines de milliers de shekels par famille).
De plus, beaucoup de colonies s’installent dans la vallée du Jourdain. L’installation des colonies s’insère dans le projet colonial de peuplement et d’avant-postes militaires visant à établir des colonies dans ce secteur stratégique, le long du Jourdain (terres particulièrement fertiles et donc bénéfices économiques important à en retirer) et face à la Jordanie.
Aujourd’hui, selon l’Agence juive, ce serait environ 130 000 Français juifs qui seraient parti s’installer en Israël depuis 1948. Soucieuse de peupler ces territoires arbitrairement et violement arraché aux palestinien.ne.s, les autorités israéliennes promeuvent cette immigration et s’inquiète même de la baisse de départs depuis la France. Il y aurait eu une diminution de 42 % des départs en provenance de la France.
Construction
En 2022, et sur l’année 2021, le Palestinian Central Bureau of Statistic comptabilisait 483 sites occupés, avec plus précisément 151 colonies, 163 avant-postes, 25 avant-postes reconnus comme colonies et 144 autres constructions (bases militaires par exemple).
L’agence précise que ces chiffres correspondent à leurs statistiques selon des sources, définitions et classements pouvant varier. En revanche, ils donnent une image de la réalité de l’occupation et de la colonisation illégales en vertu du droit international.
La bande de Gaza a abrité des colonies jusqu’en 2005, année lors de laquelle le gouvernement israélien a décidé unilatéralement de les démanteler. On y comptait avant cette date 21 colonies et plus de 9 000 colons. La plupart sont allés habiter dans les colonies de Cisjordanie occupée.
Le Conseil de Sécurité des Nations unies en décembre 2022, a indiqué que 4 800 unités de logement ont été construites en 2022 dans la seule zone C (60% de la Cisjordanie occupée), contre 5 400 en 2021. En ce qui concerne Jérusalem-Est, les chiffres ont triplé par rapport à l’année dernière (900 unités en 2021 contre environ 3 100 en 2022).
Par ailleurs, en zone C, toute construction palestinienne est conditionnée à l’obtention d’un permis de construire attribué par la puissance occupante. Selon Peace Now,(organisation israélienne) en 2021, c’est seulement 10 permis de construire pour des unités de logements qui ont été délivrés, contre environ 2 000 chaque année pour les israéliens dans les colonies.
Destructions de bâtiments et d’infrastructures
Les entraves aux droits de vivre dignement sont permanentes pour les palestinien.ne.s, avec notamment les menaces de destruction de leurs propriétés. En 2022, le bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) recensaient 954 destructions de structures dont 82% ayant eu lieu en zone C et 15% à Jérusalem-Est. Ces démolitions entraînent des conséquences importantes : elles ont engendré le déplacement de 1032 personnes.
Depuis début 2023, et en date du 18 avril 2023, 291 structures ont déjà été démolies, engendrant le déplacement de 415 personnes.
La destruction de biens mobiliers ou immobiliers par une puissance occupante est interdite par l’article 53 de la IVe Convention de Genève.
A Gaza, l’année 2014 a été particulièrement destructrice avec l’agression israélienne dite « Bordure protectrice » sur Gaza , et qui a duré 51 jours : 171 000 habitations ont été endommagées par cette attaque. Des centaines de familles ne sont pas relogées du fait du blocus qui entrave l’importation de matériaux et des nombreuses autres agressions israéliennes qui continuent d’aggraver cette précarité.
Hormis les destructions causées par les attaques militaires, la cause la plus répandue de démolition de d’habitations est l’absence de permis de construction. Pour se loger les familles n’ont pas d’autre choix que de construire sans permis… avec les risques encourus.
Les personnes inquiétées par une démolition peuvent également être contraintes de payer une amande et/ou avoir des frais de démolitions. En 2020, l’OCHA a d’ailleurs mentionné dans un rapport que les modalités avaient changé. Désormais, les amendes en raison d’une absence de permis de construction pour les Palestiniens peuvent s’élever jusqu’à 300 000 shekels israéliens soit environ 76 000 euros.
De plus, parmi toutes les structures palestiniennes ciblées par des ordres de démolition par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est en 2020, 47 % ont été démolies par les propriétaires eux-mêmes (un chiffre qui a plus que doublé par rapport aux années précédentes) pour éviter des sanctions plus lourdes et/ou des coûts supplémentaires.
La vallée du Jourdain et les collines du Sud d’Hébron sont particulièrement touchées (voir les chiffres-clés sur la vallée du Jourdain).
Enfin, l’armée israélienne a repris, il y a quelques années, les démolitions en zone A et B, comme punition collective (interdite par Convention de Genève) sur les familles de résistants une pratique qu’elle avait pourtant abandonnée en 2005.
Violences
Selon l’OCHA, sur l’année 2022, 154 Palestiniens ont été tué en Cisjordanie, 33 pour la bande Gaza et 4 en Israël. Les colons sont rarement directement impliqué dans les décès de palestinien.ne.s (sauf en 2021 à Lod), mais peuvent être impliqué dans des violences physiques ou contre des biens. Par ailleurs, au total, 10 345 Palestiniens ont été blessés - 98,41% en Cisjordanie.
Au 23 mars 2023, et pour le seul début d’année 2023 86 Palestiniens ont été en Cisjordanie, 2 dans la bande de Gaza, 1 en Israël et 2476 ont été blessés.
Du côté israélien l’OCHA comptabilise 12 morts en Cisjordanie.
Face à ces violences, l’impunité est totale. Selon le rapport mondial 2023 de Human Right Watch, ainsi que l’ONG israélienne Yesh Din, moins de « 1 % des plaintes déposées par des Palestiniens en Cisjordanie, pour des abus commis par les forces israéliennes entre 2017 et 2021, ont mené à des inculpations ». Par ailleurs, les Palestiniens de Cisjordanie sont soumis au droit de l’occupation militaire, où le droit fondamental à la régularité des procédures n’est pas respecté. Le taux des verdicts de culpabilité approche les 100 % dans ces tribunaux militaires.
La violence liée aux détentions est également importante, notamment en raison de l’usage régulier de la torture ainsi que de la négligence médicale, y compris sur des enfants.
Économie / produits des colonies
L’occupation israélienne, illégale au regard du droit international, sur les terres riches de la Cisjordanie et de la Vallée du Jourdain, rapporte gros à Israël. Entre 2000 et 2020, les Nations Unies ont évalué à 628 milliards de dollars (en dollars constants de 2015) les contributions des colonies à l’économie israélienne, ce qui représente 2,7 fois le PIB palestinien durant cette période.
En 2021, la CNUCED a déclaré que si les restrictions en Cisjordanie avaient été moins strictes après septembre 2000, date de la deuxième intifada, alors le PIB de la Cisjordanie auraient été en moyenne supérieur de 35 %.
En 2019, l’ONU estimait le nombre de travailleurs palestiniens dans les colonies israéliennes à 30 000.
Ainsi, beaucoup de produits venant des colonies israéliennes sont exportés sur le marché international, et particulièrement sur le marché de l’union européenne (UE).
Les entreprises installées dans les colonies sont bien avantagées grâce aux aides gouvernementales, aux loyers bas mais aussi aux taux d’impositions favorable ou encore par l’accès à la main d’œuvre bon marché palestinienne, permettant le renforcement et la perpétuation de l’occupation illégale.
L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël avec 29,3 % de ses échanges de biens en 2020.
En 2021, l’UE a importé des biens depuis Israël pour une valeur de 12,6 milliards d’euros.
C’est pourquoi, en 2022, une Initiative citoyenne européenne a été déposée afin d’interdire le commerce profitant aux colonies illégales.
De nombreuses entreprises israéliennes et étrangères sont impliquées dans la colonisation.
En novembre 2022, c’est le groupe français Carrefour qui s’est associé à deux entreprises Israéliennes afin de développer une nouvelle marque de magasin en Israël, mais aussi également dans les colonies, toujours de façon contraire au droit international. Après les protestations d’associations de la société civile dont la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, l’entreprise a finalement décidé de maintenir sa présence en Israël mais pas dans les territoires occupés. Reste le fait que les deux entreprises israéliennes (Electra Consumer Products et Yenot Bitan) avec lesquelles Carrefour collabore participent activement au renforcement des colonies (construction de logements et infrastructures…).
Plusieurs autres entreprises françaises sont ou ont effectivement été impliquées dans la colonisation israélienne :
• Orange : En juin 2016, après la publication d’un rapport intitulé « Les liaisons dangereuses d’Orange dans le Territoire palestinien occupé », en lien avec une mobilisation citoyenne et syndicale Orange a mis fin à son contrat avec une entreprise israélienne (Partner Communications). Cependant entre 2010 et 2016, Orange a bel et bien participé à renforcer l’installation des colonies.
• En 2020, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU a étudié et publié une base de données concernant 112 entreprises liées directement ou indirectement aux colonies israéliennes dont 3 entreprises françaises :Alstom, Egis et Egis Rail. Jusqu’en 2018, Systra était également engagée dans l’extension du tramway reliant Jérusalem-Ouest aux colonies situées à l’Est de la ville. Elle s’est retirée à la suite des pressions d’ONG dont la Plateforme en lien avec les syndicats de l’entreprise.
• L’entreprise Alstom s’était retirée arguant du droit international et sous la pression des ONG mais y est revenue par le rachat de Bombardier entreprise canadienne opérant sur ce tramway colonial. Les ONG dont la Plateforme et des syndicats continuent d’interpeller les entreprises françaises et européennes participant aux extensions de ce tramway, ainsi que les autorités politiques qui devraient faire respecter la position de la France et de l’UE contre l’occupation, la colonisation et l’annexion de Jérusalem-Est.
• En 2021, 672 institutions financières européennes ont prêté ou investi 255 milliards de dollars au bénéfice de 50 entreprises activement impliquées dans les colonies israéliennes illégales. Parmi elles figurent quatre banques françaises – BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, BPCE - et la société AXA.
Investissements publics
Les colonies sont financées par des fonds publics : au premier trimestre de 2019, le gouvernement israélien a dépensé 111,5 millions d’euros pour les colonies en Cisjordanie occupée, un record en 10 ans.
L’Etat israélien a une politique particulièrement encourageante au regard des colonies. En 2015, il offrait aux colons des avantages fiscaux tels qu’une réduction de taxes de 7 %, une prise en charge des frais de transport à hauteur de 75 %, l’école gratuite, des subventions sur des prêts (parfois jusqu’à 95 % du prix), mais également une protection via l’armée israélienne.
Le gouvernement cherche à peupler ces nouvelles colonies et va donc favoriser leur émergence via le raccordement à l’électricité, des installations routières, des prêts immobiliers à bons taux, un prix de l’immobiliser plus bas, …
L’aide est parfois plus importante qu’ailleurs en Israël.
Les aides allouées aux entrepreneurs ou paysans s’installant dans les colonies peuvent aller jusqu’à 1 million de shekels (environ 260 000 euros) pour une seule personne, même lorsqu’ils s’installent sans autorisation officielle.
Fin 2020, le gouvernement israélien a annoncé l’allocation d’un nouveau budget de 20 millions de shekels (environ 5,12 millions d’euros) pour contrôler et cartographier les zones et les constructions palestiniennes. Un pas de plus vers l’annexion de facto de ce territoire, où les autorités israéliennes multiplient les démolitions illégales.