Les vicissitudes du mouvement national palestinien
Le 14 mai marque le 75e anniversaire de la Nakba, ou « catastrophe » en arabe, date de la fondation de l’Etat d’Israël en 1948, de l’expulsion traumatisante de plus de 750 000 Palestiniens de leurs terres et de la démolition de près de 500 de leurs villages.
Cet événement a, à la fois, défini leur avenir d’apatrides et de peuple occupé et constitue la base de leur identité nationale distincte. L’héritage de la Nakba est indispensable pour comprendre la vie actuelle des Palestiniens. Il a freiné l’émergence d’un Etat palestinien et a créé le problème des réfugiés. En brisant et en désintégrant la société, la Nakba a façonné la manière dont la vie socioéconomique, politique et culturelle palestinienne s’est développée au cours de plus de sept décennies. Les controverses et développements actuels au sein du corps politique palestinien ne peuvent être compris sans faire référence à ces développements historiques. Cela est particulièrement vrai des débats émotionnels sur le droit au retour des réfugiés, la sécurisation d’un Etat géographiquement contigu et la rivalité entre l’Autorité d’autonomie dirigée par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dominée par le mouvement Fatah, qui contrôle la Cisjordanie, et le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) qui gouverne la bande de Gaza.
Alors que les Palestiniens ont leurs propres traits culturels, c’est surtout la Nakba et ses conséquences qui les séparent fermement des autres peuples arabes. Tous les Palestiniens, y compris ceux restés en Israël, ont partagé cette expérience. Et étant donné que la plupart des Palestiniens d’aujourd’hui sont soit des exilés, des réfugiés ou vivent sous occupation israélienne — ou comme des citoyens de seconde zone d’Israël —, leur identité sociale et politique collective est presque entièrement centrée sur l’expérience bouleversante de la Nakba.
Celle-ci a laissé un impact politique permanent sur les Palestiniens. Compte tenu de l’éclatement de la vie économique et des structures sociales, aucun développement socioéconomique n’a émergé à court terme pour permettre l’apparition d’une réponse politique globale à la tragédie. Ainsi, l’effet politique immédiat le plus tangible a été qu’aucun Etat palestinien n’a émergé en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pour faire face à Israël. Pendant les deux premières décennies après 1948, aucun mouvement politique unifié n’a vu le jour. Les activistes palestiniens avaient tendance à se tourner vers des mouvements dans leurs pays d’exil qui avaient une vision idéologique plus large, plutôt que vers ceux qui se concentraient uniquement sur les questions palestiniennes. En Israël, où les Palestiniens étaient soumis au régime militaire jusqu’en décembre 1966 et où les partis politiques ouvertement arabes, comme le mouvement nationaliste panarabe Al-Ard, étaient interdits, ils se sont tournés vers la gauche binationale judéo-arabe, le Parti communiste. En Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie et au Liban, les militants ont été attirés par des groupes de gauche comme le Parti communiste jordanien, par les partis nationalistes panarabes comme le parti Baas, par l’idéologie pan-syrienne du Parti nationaliste social syrien, ou par le mouvement panarabe inspiré par le président égyptien Gamal Abdel-Nasser.
Emergence d’un mouvement unifié de résistance
Les premiers remous d’un mouvement nationaliste palestinien unifié transfrontalier sont survenus à la fin des années 1950, parmi les réfugiés dans les pays du Golfe et dans d’autres centres de la vie palestinienne en exil. Le mouvement qui a vu le jour en 1959 au Koweït s’appelait Fatah. Ses objectifs étaient relativement simples : la lutte armée pour le retour des réfugiés dans leurs foyers et leurs terres en Israël ; l’autonomie en lieu et place de la confiance dans les partis et les régimes arabes pour mener la lutte ; et la neutralité dans la division intra-arabe entre les forces pro et anti-Nasser.