Les violations israéliennes des droits des travailleurs palestiniens se multiplient avec le COVID-19

jeudi 5 août 2021

"Une fois que nous sommes tous passés, un autre groupe de 50 peut arriver pour subir les mêmes procédures humiliantes de vérification. Comme du bétail. Durant tout le processus vous voyez à peine ceux qui sont en contrôle, géneralement si vous les apercevez ils sont derrière des vitres blindés et ne vous regardent jamais dans les yeux. Ils aboient des fois des instructions dans des hauts parleurs. Vous voyez des lumières rouge ou vertes et des caméras. Bienvenue au big brother 2012. Je ne me plains pas, je n’ai pas à passer par ce checkpoint très souvent et j’ai toujours l’alternative de prendre un itineraire plus long pour se rendre à Jérusalem via Beit Jala, un privilège que les Palestiniens de la Cisjordanie n’ont pas. Je suis juste consternée encore par ce système que les Palestiniens doivent endurer chaque jour ; perdant un temps précieux loin de leurs proches ; en faisant la queue comme du bétail va à l’abattoir." Anne Paq - Chroniques de Palestine

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Par Ihab Maharmeh

Le régime israélien viole systématiquement les droits des travailleurs palestiniens en Israël et dans ses colonies illégales depuis 1967. Ces violations ont augmenté avec l’épidémie de COVID-19. Al-Shabaka a demandé à Ihab Maharmeh de décrire et d’analyser les violations continuelles des droits de l’homme et du travail des travailleurs palestiniens par Israël. Il offre des pistes pour assurer le respect de ces droits et demander des comptes à Israël.

Introduction

Les droits des travailleurs palestiniens [1] en Israël et dans les colonies israéliennes illégales de Cisjordanie font l’objet de violations croissantes depuis l’apparition de l’épidémie de COVID-19. Le 17 mars 2020, l’ancien ministre israélien de la Sécurité, Naftali Bennett, a annoncé une série de dispositions spéciales visant à réglementer le travail et le logement des travailleurs palestiniens de Cisjordanie, dans le but de freiner la hausse des cas de COVID-19 au sein de la population israélienne.

Bien que les dispositions aient permis à ceux qui ont un permis de travail et à ceux qui ont moins de 50 ans d’entrer et de sortir des territoires israéliens (Israël plus les colonies), elles obligent les travailleurs à coordonner leur travail et leur hébergement avec leurs employeurs israéliens, et leur interdisent de retourner en Cisjordanie pendant la durée de leur contrat de travail.

En plus de ces dispositions strictes, le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a ordonné à ces travailleurs de rentrer immédiatement chez eux à la fin de leur contrat de travail et d’y rester en quarantaine pendant 14 jours, et il a demandé aux services de sécurité palestiniens et aux comités d’urgence populaires de toute la Cisjordanie de renforcer les mesures visant à empêcher les travailleurs de repartir en Israël.

Cette annonce a fait suite au premier décès dû au COVID-19 en Cisjordanie : une habitante de la ville de Biddu, au nord-ouest de Jérusalem, infectée par son fils qui travaille dans la colonie industrielle d’Atarot à Jérusalem.

Des milliers de travailleurs ont obéi à Shtayyeh, mais environ 40 000 sont quand même retournés sur leur lieu de travail au début du mois de mai 2020, au péril de leur vie, alors que le nombre des personnes contaminées par le COVID-19 et le nombre des décès augmentaient en Israël beaucoup plus vite qu’en Cisjordanie et à Gaza.

Leur retour a coïncidé avec la mise en œuvre des instructions de Bennett sur le travail et l’hébergement des travailleurs palestiniens par l’Autorité palestinienne palestinien (AP). Mais le régime israélien, au lieu de protéger ces travailleurs de la maladie, en a profité pour intensifier ses violations de leurs droits du travail et de leurs droits humains.

Cet article met en lumière les violations des droits des travailleurs palestiniens en Israël et dans les colonies, avant et pendant la pandémie de COVID-19, perpétrées par le régime israélien, et montre que ces violations se sont accentuées depuis l’épidémie. Il se conclut par des recommandations visant à protéger les travailleurs palestiniens.

L’étranglement du marché du travail palestinien par Israël

Les Palestiniens munis de cartes d’identité cisjordaniennes ont commencé à affluer en Israël et dans les colonies à la suite de la guerre de 1967, lorsqu’Israël a occupé la Cisjordanie, Gaza, la péninsule du Sinaï et les hauteurs du Golan. Deux facteurs se sont conjugués pour accroître cet afflux : le régime israélien avait besoin de travailleurs pour ses colonies en pleine expansion, et les Palestiniens avaient un urgent besoin d’emploi après la guerre de 1948 qui avait détruit leur économie.

Comme le régime israélien pouvait offrir des salaires plus élevés et de plus grandes possibilités d’emploi, les Palestiniens se sont précipités pour occuper ces postes.

L’objectif d’Israël, en absorbant le flux de travailleurs palestiniens, était surtout de prendre le contrôle des principaux domaines de production en affaiblissant et vidant de sa substance l’économie palestinienne pour la mettre sous la botte israélienne.

Depuis, les Palestiniens sont devenus une force de travail importante en Israël, notamment dans les secteurs de la construction et des services. Leur nombre est passé de 20 000 travailleurs en 1970 à 116 000 en 1992, avec une augmentation moyenne de 6,3 % par an. Après la signature des Accords d’Oslo en 1993 et du Protocole de Paris en 1994, qui a officiellement intégré l’économie palestinienne à celle d’Israël et fermé les frontières palestiniennes à l’économie mondiale, Israël a imposé des restrictions sur le mouvement des travailleurs palestiniens de Cisjordanie et de Gaza et a limité le nombre de permis de travail accordés aux Palestiniens.

Néanmoins, l’afflux de travailleurs palestiniens en Israël et dans les colonies est passé de 95 000 en 1995 à 133 000 en 2019 [2], le chiffre le plus élevé jamais enregistré.

Depuis 1967, la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza a été multipliée par plus de cinq, passant d’environ 965 000 à 5,1 millions en 2020, un peu plus de la moitié des individus étant en âge de travailler (plus de 15 ans). Comme l’économie palestinienne n’a pas été en mesure d’absorber ce groupe démographique, le nombre des travailleurs palestiniens dans les secteurs public et privé palestiniens a diminué, tandis qu’il augmentait en Israël et dans les colonies.

La seconde Intifada a été suivie d’une augmentation sensible du pourcentage de travailleurs palestiniens en Israël et dans les colonies, comme le montre le tableau suivant réalisé par l’auteur sur la base des rapports 2005 et 2019 du Bureau central palestinien des statistiques.

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