Palestine occupée : la Chine critique la...

samedi 24 juin 2023

Les remarques le 24 mai dernier, de l’ambassadeur de la Chine Populaire aux Nations Unies, Geng Shuang, sur la situation en Palestine occupée, étaient impeccables en termes de cohérence avec le droit international.
Par rapport à la position des États-Unis, qui perçoivent les Nations unies, et en particulier le Conseil de sécurité, comme un champ de bataille pour défendre les intérêts israéliens, le discours politique chinois reflète une position juridique fondée sur une profonde compréhension des réalités sur le terrain.
Exprimant la pensée chinoise lors d’un « Briefing sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne » du Conseil de sécurité des Nations unies, Geng n’a pas mâché ses mots.
Il a parlé avec force de la nécessité « irremplaçable » d’une « solution globale et juste », fondée sur la cessation des « provocations » d’Israël à Jérusalem et sur le respect du droit des « fidèles musulmans » ainsi que de la « garde de la Jordanie » sur les lieux saints de la ville.
Élargissant le contexte des raisons qui sous-tendent les dernières violences en Palestine et la guerre israélienne du 9 mai contre Gaza, M. Geng a ensuite exprimé une position que Tel-Aviv et Washington jugent tout à fait inacceptable.

Il a condamné sans réserve « l’expansion illégale des colonies (juives israéliennes) » en Palestine occupée et « l’action unilatérale » d’Israël, exhortant Tel-Aviv à « mettre immédiatement fin » à toutes ses activités illégales.

M. Geng a ensuite abordé des questions qui ont été relativement ignorées, notamment « le sort des réfugiés palestiniens ».

Ce faisant, Geng a énoncé la vision politique de son pays concernant une solution juste en Palestine, qui repose sur la fin de l’occupation israélienne, l’arrêt des politiques expansionnistes de Tel-Aviv et le respect des droits du peuple palestinien.

Mais cette position est-elle nouvelle ?

S’il est vrai que les politiques de la Chine à l’égard de la Palestine et d’Israël ont toujours été conformes au droit international, la Chine a tenté, ces dernières années, d’adopter une position plus « équilibrée », qui n’entrave pas le développement du commerce israélo-chinois, en particulier dans le domaine de la technologie avancée des microprocesseurs.

Toutefois, l’affinité entre la Chine et Israël n’est pas motivée uniquement par le commerce.

Depuis son lancement officiel, l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » (BRI) constitue la pierre angulaire des perspectives mondiales de Pékin. Ce projet colossal concerne près de 150 pays et vise à relier l’Asie à l’Europe et à l’Afrique via des réseaux terrestres et maritimes.

En raison de sa situation sur la mer Méditerranée, l’importance stratégique d’Israël pour la Chine, qui souhaite depuis des années avoir accès aux ports maritimes israéliens, a doublé.

Comme on pouvait s’y attendre, ces ambitions ont fortement préoccupé Washington, dont les navires de guerre accostent souvent dans le port de Haïfa.

Washington a mis en garde à plusieurs reprises Tel-Aviv contre sa proximité croissante avec Pékin. Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, est allé jusqu’à avertir Israël en mars 2019 que, tant que Tel-Aviv ne réévaluerait pas sa coopération avec la Chine, les États-Unis pourraient réduire « le partage de renseignements et la colocalisation des installations de sécurité. »

Pleinement conscient de la puissance mondiale actuelle, mais aussi potentielle, de la Chine, Israël s’est efforcé de trouver un équilibre qui lui permettrait de maintenir sa « relation spéciale » avec les États-Unis, tout en bénéficiant financièrement et stratégiquement de sa proximité avec la Chine.

Le numéro d’équilibriste d’Israël a encouragé la Chine à traduire ses prouesses économiques croissantes au Moyen-Orient en un investissement politique et diplomatique. Par exemple, en 2017, la Chine a mis en œuvre un plan de paix – initialement formulé en 2013 – appelé « Proposition en quatre points ».

Ce plan proposait une médiation chinoise pour remplacer la partialité des États-Unis et, en fin de compte, l’échec du « processus de paix ».

Les dirigeants palestiniens ont salué l’implication de la Chine, tandis qu’Israël a refusé de s’engager, ce qui a mis dans l’embarras un gouvernement qui insiste sur le respect et la reconnaissance de son importance croissante dans tous les domaines.

Sources : Auteur : Ramzy Baroud
Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle.
Il est l’auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s’intitule
« Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals
Speak out ». Parmi ses autres livres figurent « My Father was a Freedom Fighter »
(version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada »
(version française)
Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA).
Son site web https://ramzybaroud.net/