Pour les Israéliens, il est impossible de voir l’avenir
Gideon Levy
Mardi 24 mai 2022 - 12:54 | Last update : 2 days 35 mins ago
Une société qui fait l’autruche ne peut pas aller bien loin et sera certainement incapable de faire face aux véritables défis auxquels elle sera confrontée
S’il y a une chose qui manque complètement au débat public en Israël, c’est une vision à long terme. Israël ne regarde pas vers l’avenir, pas même une demi-génération plus loin.
Les enfants occupent une grande place en Israël : le temps et l’énergie qui leur sont consacrés dépassent largement ce que l’on connaît généralement dans la plupart des autres sociétés. Et pourtant, personne ne parle de ce qui les attend, eux ou leurs propres futurs enfants.
Pas un seul Israélien ne sait où va son pays.
Adressez-vous à n’importe quel Israélien ordinaire ou à n’importe quel responsable politique, journaliste ou scientifique, du centre, de droite ou de gauche et demandez-lui où va son pays, à quoi son pays ressemblera dans vingt ans, ou cinquante. Ils ne sont même pas capables de décrire ce à quoi le pays pourrait ressembler dans dix ans. Peu d’Israéliens pourraient même dire quelle direction ils aimeraient voir leur pays prendre, au-delà de slogans creux prônant la paix, la sécurité et la prospérité.
Une question troublante
La seule question qui se pose au sujet du long terme est également très instructive : Israël existera-t-il encore dans vingt ou cinquante ans ? C’est la seule question que vous entendrez en Israël à propos de l’avenir. Et pendant ce temps, une autre question – « Y aura-t-il un jour la paix ? » –, pourtant omniprésente il y a une ou deux générations, n’est plus à l’ordre du jour et n’est presque jamais posée.
Il y a très peu d’endroits où les gens se demandent si leur pays existera encore ou non dans quelques décennies. On ne se pose pas cette question en Allemagne ou en Albanie, ni au Togo ou au Tchad. Cette question n’a peut-être même pas lieu d’être non plus pour Israël, puissance régionale puissamment armée et aux connexions impressionnantes, terre de prouesses technologiques et de prospérité, mais aussi chouchou de l’Occident.
Notez les efforts incroyables déployés par les Israéliens pour obtenir un deuxième passeport – n’importe lequel ! – pour eux-mêmes et leurs enfants. Qu’il soit portugais ou lituanien, l’essentiel est d’avoir une alternative au passeport israélien
Dites-vous pourtant que nombre d’Israéliens continuent de se poser cette question, encore plus souvent que jamais ces derniers temps. Notez les efforts incroyables déployés par les Israéliens pour obtenir un deuxième passeport – n’importe lequel ! – pour eux-mêmes et leurs enfants. Qu’il soit portugais ou lituanien, l’essentiel est d’avoir une alternative au passeport israélien, comme si celui-ci était une sorte de permis temporaire proche de sa date d’expiration, comme s’il n’était pas possible de le renouveler éternellement.