Shireen Abu Akleh : fort mais à la dérive, Israël ne peut plus laisser les morts en paix
L’attaque brutale israélienne contre les funérailles de Shireen Abu Akleh était l’acte d’une puissance dénuée d’empathie et de stratégie – dont le seul moyen d’expression est la violence
Les forces de sécurité israéliennes arrêtent un homme lors des funérailles de la reporter d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh (Reuters)
En juin 2001 ont eu lieu les funérailles de Faisal al-Husseini, ministre de l’Autorité palestinienne (AP) pour les affaires de Jérusalem et cadre de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Le cortège funèbre a démarré à la Mouqata’a à Ramallah et a progressé vers le check-point de Qalandiya pour rejoindre la mosquée al-Aqsa. Le cercueil était drapé d’un drapeau palestinien et des drapeaux palestiniens étaient agités tout au long de son dernier voyage à travers les rues de Jérusalem-Est occupée vers son lieu de repos à al-Aqsa.
C’était alors la seconde Intifada, les drapeaux palestiniens représentaient alors une organisation, l’OLP, déterminée à établir un État palestinien englobant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, aussi vite que possible.
Les proches et amis de Shireen Abu Akleh portent le cercueil de la journaliste assassinée lors de ses funérailles dans une église de Jérusalem (Reuters)
Les proches et amis de Shireen Abu Akleh portent le cercueil de la journaliste assassinée lors de ses funérailles dans une église de Jérusalem (Reuters)
L’Israël de 2001 a réussi à gérer les drapeaux palestiniens. Comment se fait-il qu’aujourd’hui – quand brandir un drapeau palestinien est surtout une question d’identité (l’émergence d’un État palestinien dans un futur proche est hautement improbable et les menaces en matière de sécurité, bien que sérieuses, sont bien moins prégnantes que lors des jours sanglants de la seconde Intifada) –, la police israélienne estime nécessaire d’envoyer des policiers lourdement armés pour arracher le drapeau palestinien qui drape le cercueil de la journaliste Shireen Abu Akleh, tout en agressant violemment ceux qui accompagnent le cercueil au point de le faire quasiment tomber ?
Comment se fait-il qu’en 2001, Israël avait suffisamment confiance face aux drapeaux palestiniens agités dans les rues de sa « capitale éternelle » lors du cortège funèbre d’un cadre politique palestinien, mais qu’en 2022, un drapeau autour du cercueil d’une journaliste est considéré comme une menace pour l’existence d’Israël ?
Avant de tenter de répondre à cette question, il convient de s’arrêter sur le face-à-face entre la police anti-émeutes et les porteurs du cercueil et sur les images de violences assurément destinées à rester longtemps dans les médias et dans les mémoires.
Ces scènes ont donné la nausée non seulement aux millions de Palestiniens qui ont regardé le cortège en direct, mais aussi aux centaines de millions d’Arabes et d’autres à travers le monde également devant leurs écrans, ainsi qu’à de nombreux Israéliens juifs, dont beaucoup ne sont pas de la gauche radicale.