Shlomo Sand, historien israélien : “Je ne suis pas ‘pour’ un état binational ...

lundi 8 janvier 2024

mais on n’a pas d’autre solution”

Dans son passionnant ouvrage qui vient de paraître au Seuil, l’historien Shlomo Sand repose la question d’une solution à deux États et revient sur la génèse du sionisme pour tenter d’y voir plus clair et d’espérer malgré toute cette folle violence. Entretien.

Par Vincent Remy, Télérama, Publié le 05 janvier 2024 à 14h00

Imaginer, au paroxysme de la violence actuelle, qu’Israéliens et Palestiniens puissent un jour vivre côte à côte, au sein d’un État binational, semble une folle utopie. C’est pourtant, comme le met en lumière l’historien israélien Shlomo Sand dans son nouvel ouvrage, Deux Peuples pour un État ?, ce que de nombreux intellectuels juifs installés en Palestine, dès la fin du XIXᵉ siècle et jusqu’à la création d’Israël en 1948, ont souhaité ardemment. Beaucoup de penseurs sionistes craignaient qu’un État juif exclusif sur une terre peuplée en majorité d’Arabes n’entraîne un conflit sans fin. Aucun ne souhaitait « une solution à deux États », que l’intrication des populations semble désormais rendre impossible. N’y aurait-il d’autre perspective que l’enfermement, la répression, le déplacement, l’expulsion ? Relire l’histoire du sionisme, avec Shlomo Sand, redonne de l’espoir.
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Les Palestiniens ont été chassés de leurs maisons par des soldats israéliens lors de la guerre de 1948. Photo Pictures From History/TopFoto/Roger-Viollet

Écrit avant les massacres perpétrés par le Hamas et les bombardements sur Gaza, votre livre serait-il différent si vous l’écriviez aujourd’hui ?

Dès mon introduction, j’écrivais que, du fait de l’alliance croissante entre religion et nationalisme radical, des deux côtés, israélien et palestinien, nous étions condamnés à traverser des catastrophes. Une maison d’édition anglaise m’avait demandé d’ajouter une postface plus optimiste ! Certes, personne ne pouvait envisager le choc inouï du 7 octobre, cette sauvagerie du Hamas. Je suis également bouleversé par les milliers de civils palestiniens que nous tuons à Gaza. Mais Ariel Sharon [cofondateur du Likoud, parti de droite israélien, et qui fut plusieurs fois ministre, jusqu’à diriger le gouvernement entre 2001 et 2006, ndlr] a été le premier bâtisseur du Hamas, qu’il envisageait comme un contrepoids à l’OLP. Il a tout fait, ainsi que Benyamin Netanyahou, pour favoriser son émergence. J’ajoute qu’en Israël tout le monde sait que Yahya Sinouar, le petit Staline du Hamas, est l’enfant d’une famille originaire de Ashkelon, qui s’est réfugiée dans le camp de Khan Younès en 1948. Abdessalam Yassine, fondateur du Hamas, était né près d’Ashkelon, poussé lui aussi avec sa famille à Gaza par Israël. Refuser de voir que 60 % des Gazaouis sont venus des lieux où nous, Israéliens, habitons maintenant, c’est être aveugle. On ne peut pas comprendre le 7 octobre sans connaître l’Histoire.

Source : Télérama
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