Une enquête sérieuse publiée dans dans le Libé du 11 décembre, intitulée Israël, 7 octobre : un massacre et des mystifications
Israël, 7 octobre : un massacre et des mystifications
Cédric Mathiot
Libération (site web) CheckNews, lundi 11 décembre 2023
Deux mois après l’attaque terroriste du Hamas, le bilan presque définitif confirme que certaines horreurs alléguées, parfois relayées hâtivement au plus haut niveau pour obtenir le soutien international, n’ont pas eu lieu.
Le 7 octobre, le Hamas, et à sa suite d’autres factions palestiniennes, ont massacré plus de 1 200 personnes, dont près de 800 civils, au nombre desquels des personnes âgées, des familles, des femmes et des enfants. CheckNews est revenu en détail, à de nombreuses reprises, sur ces actes documentés et souvent filmés, que le Hamas continue à nier, en dépit d’innombrables preuves.
Toutefois, depuis deux mois, CheckNews a aussi relevé plusieurs récits et témoignages non confirmés, ou incohérents. Aujourd’hui, le bilan définitif du massacre est presque connu. De même que, pour bon nombre de civils tués, les circonstances de leur décès. Or, les données disponibles confirment que certaines horreurs initialement décrites n’ont pas eu lieu. Ces témoignages concernent quasiment exclusivement des allégations de sévices sur des enfants, qui ont été au cœur de la guerre de communication lancée depuis deux mois. Ils ont été relayés
pendant des semaines par des secouristes volontaires, des soldats ou responsables de Tsahal, mais aussi au sommet de l’Etat et de la diplomatie israélienne. Ils ont irrigué la presse mondiale, ainsi que les déclarations de responsables politiques occidentaux.
Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, le ministère des Affaires étrangères ou encore Michal Herzog, femme du Président, Isaac Herzog, ont-ils diffusé sciemment des contre-vérités, parfois dans des échanges diplomatiques au plus haut niveau, dans le but de rallier l’opinion internationale ? Le 7 octobre est un authentique massacre, mais aussi un objet de propagande de guerre. Cet article contient des descriptions choquantes. Trente-cinq mineurs tués, dont deux bébés
Le mardi 10 octobre, l’armée israélienne autorise des journalistes de la presse étrangère à pénétrer dans le kibboutz libéré de Kfar Aza, situé à moins d’un kilomètre de la bande de Gaza. Un témoignage se distingue : celui de la correspondante anglophone de i24News Nicole Zedeck.
« L’un des commandants ici présents a déclaré qu’au moins 40 bébés avaient été tués », dit-elle, ajoutant que « certains d’entre eux ont eu la tête coupée. Il a dit qu’il n’avait jamais vu de tels actes de brutalité ». Cette affirmation sera reprise par les médias du monde entier, mais aussi par les autorités israéliennes, durant de longues semaines. Dès le lendemain, le compte officiel de l’Etat d’Israël publie ainsi sur Twitter la vidéo de la chaîne i24 évoquant le massacre de Kfar Aza, accompagnée des mots : « 40 bébés assassinés. » L’affirmation s’est ensuite retrouvée en bonne place parmi les vidéos dont Israël a inondé la Toile en octobre pour dénoncer les crimes du Hamas. Notamment un clip du ministère des Affaires étrangères israélien, déjà évoquée par CheckNews, mettant en avant les « 40 nourrissons » assassinés, dans une imitation de programmes pour enfants, sur fond de licornes et d’arcs-en ciel.
Cette affirmation est aujourd’hui démentie par les chiffres. Au 5 décembre, l’Institut national des assurances israélien (NIOI), dont les statistiques font aujourd’hui office de référence, s’était vu communiquer par la police israélienne les noms de 789 victimes civiles identifiées (forces de sécurité exclues), et en a publié 686. Comme nous l’a précisé le ministère des Affaires étrangères, seules dix victimes civiles restaient non identifiées. Parmi la centaine de noms non publiés, un très grand nombre est connu grâce au travail méthodique de collecte effectué par plusieurs médias (dont le quotidien Haaretz) et associations israéliennes, notamment sur la base de signalements effectués par les familles des victimes. Comme le relève auprès de CheckNews un journaliste du quotidien israélien Haaretz, il est extrêmement peu vraisemblable que l’existence d’autres jeunes victimes reste inconnue deux mois après les faits. Des sources internes des instituts médicaux légaux israéliens qui ont reçu les corps nous ont également confirmé que « les bilans officiels sont corrects ».
Selon le NIOI, on trouve un seul bébé parmi les civils tués le 7 octobre. Il s’agit de Mila Cohen, 10 mois, qui a été tuée par balle à Be’eri, ainsi que son père. Selon nos informations, il y en aurait toutefois un deuxième : il s’agit d’Omer Kedem Siman Tov, mort dans sa maison incendiée dans le kibboutz de Nir Oz, avec ses sœurs âgées de 5 ans, après que leurs parents avaient été abattus. Omer Kedem Siman Tov apparaît sur le fichier de l’Institut comme âgé de 4 ans. Mais plusieurs éléments concordants consultés par CheckNews, notamment disponibles sur les réseaux sociaux de la famille défunte, indiquent qu’il avait en réalité 2 ans et 3 mois au moment où il a été assassiné. Au-delà de ces deux cas, aucun autre bébé n’a été tué ce 7 octobre dans les kibboutz. Et il n’y a eu aucun bébé « décapité », contrairement à ce qui a beaucoup été relayé. Interrogé par CheckNews à propos du nombre de 40 bébés tués, un porte-parole de Tsahal nous a fait cette réponse : « Un soldat de l’armée israélienne a affirmé qu’il avait été témoin de cela, mais aucune source officielle de l’armée n’a fait de commentaire sur le sujet. »
Source : LIBERATION
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