Historique. La Palestine autorisée à poursuivre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité

mercredi 20 mai 2020

Ce 30 avril restera sans doute dans les annales historiques des Palestiniens.

Ce jour-là, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, expliquait officiellement dans un document de 60 pages qu’elle était convaincue « qu’il existe un fondement raisonnable pour ouvrir une enquête dans la situation en Palestine en vertu de l’article 53-1 du Statut de Rome, et que la portée de la compétence territoriale de la Cour comprend la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et Gaza (“Territoire palestinien occupé”) ».

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En clair, la Palestine peut saisir la cour de La Haye afin de poursuivre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Il appartient maintenant à une chambre préliminaire, composée de trois juges, de se prononcer sur la question. En tout état de cause, au vu du déroulé de ce dossier, il est fort probable qu’ils suivront l’avis de la procureure. « C’est un pas considérable, car les réponses aux questions de savoir si la Palestine (qui a pourtant ratifié le Statut de Rome) était considérée comme un État pour la Cour pénale internationale et qu’est-ce que recouvrent les Territoires palestiniens, ont été étayées », se félicite M e Gilles Devers, partie prenante pour les victimes palestiniennes.

Confronter Israël à ses pratiques coloniales

Lorsque, le 1er janvier 2015, le gouvernement palestinien dépose une déclaration en vertu de l’article 12-3 du Statut de Rome, reconnaissant la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes présumés commis « sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, le 13 juin 2014 », un processus est déclenché, dépassant évidemment la simple question juridique.

Pour la première fois, les Palestiniens veulent se donner les moyens de confronter Israël à ses pratiques coloniales. La procureure de la Cour pénale internationale se devait donc de procéder à un examen préliminaire, notamment pour déterminer si la Cour était compétente sur les faits. Ce qui était reconnu presque cinq plus tard. Le 20 décembre 2019, Fatou Bensouda annonçait que tous les critères permettant l’ouverture d’une enquête étaient remplis, mais, « compte tenu des questions juridiques et factuelles liées à cette situation », demandait à la chambre préliminaire de se prononcer sur la compétence territoriale de la CPI.

Les États-Unis s’opposent à la Cour pénale internationale

Dès le mois de décembre, Israël est monté au créneau. « Ce que la CPI a fait, c’est du pur antisémitisme et nous ne fléchirons pas », annonçait Benyamin Netanyahou, n’hésitant pas à faire croire que la Cour pénale internationale « affirme que les juifs n’ont pas le droit de s’installer dans le foyer national juif. Ils disent que les juifs n’ont pas le droit de vivre sur la terre des juifs, sur la terre d’Israël. Eh bien, nous répondons : honte à vous ! ». Parallèlement, six pays (Allemagne, Autriche, Brésil, République tchèque, Hongrie et Ouganda) rejoignaient les États-Unis pour faire valoir que la Cour pénale internationale n’avait pas le pouvoir de poursuivre Israël. L’an dernier, Washington avait menacé la Cour pénale internationale, coupable de vouloir incriminer des ressortissants américains.

Netanyahou et Gantz pourraient être poursuivis

« La position de la procureure correspond à une position anti-israélienne typique, influencée par l’Organisation de la coopération Islamique et le mouvement BDS » (Boycott, désinvestissement et sanctions) », s’est étranglé le ministre israélien des Infrastructures nationales, Yuval Steinitz, pour qui Fatou Bensouda « a reformulé les règles du droit international, inventant un État palestinien, alors que le processus de paix israélo-palestinien n’est pas encore terminé » (sic).

Son inquiétude est autre : en cas d’ouverture d’enquête de la CPI, Benyamin Netanyahou et Benny Gantz, qui entendent se partager le gâteau du pouvoir, pourraient tous les deux être poursuivis pour leurs rôles respectifs dans les faits dénoncés.

Israël a vu tous ses arguments s’effondrer

Malgré ses soutiens juridiques impressionnants (les ténors des barreaux israéliens et même une équipe de juristes conduite par Robert Badinter), Israël a vu tous ses arguments s’effondrer. L’un d’entre eux, et non des moindres, visait à démontrer que les questions palestiniennes ne relèvent pas du droit international, mais du droit israélien, ce qui reviendrait à considérer que toute la Palestine historique serait sous la juridiction d’Israël. Non, ce n’est pas vrai, vient de déclarer la procureure de la Cour pénale internationale.

Pierre Barbancey
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L’HUMANITE - 4 mai 2020

Voir aussi sur le site de Palestine 13
* Israël panique à l’idée que la Cour Internationale de Justice finisse un jour par faire son travail ( janvier 2020)
* Cour Pénale Internationale : Le "J’accuse" de Norman Finkielstein (novembre 2019)
* L’ADHÉSION DE LA PALESTINE À LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : une stratégie en vue de la reconnaissance (avril 2018)
* Cour Pénale Internationale réaffirme le statut de « territoires occupés » pour Gaza et Jérusalem-Est (décembre 2016)